France

«Racialisation du discours public» : deux chercheurs français sur l'évolution des sciences sociales

La recherche en sciences sociales a dérivé vers les questions de race parce que les financements sont plus faciles à trouver avec ce postulat, estiment l'historien Gérard Noiriel et le sociologue Stéphane Beaud.

Deux chercheurs français, Gérard Noiriel et Stéphane Beaud, ont publié le 5 février Race et sciences sociales, essai sur les usages publics d'une catégorie (éditions Agone), qui déplore une disparition de l'analyse de classe dans les sciences sociales. Commentant leur analyse à l'occasion d'un entretien auprès de l'AFP, ils se sont entre autres exprimés sur ce qu'ils qualifient d'«américanisation» de la recherche universitaire française.

«La référence américaine a été constamment utilisée par ceux qui voulaient légitimer la racialisation du discours public», a notamment dénoncé l'historien Gérard Noiriel, et ce au détriment d'autres approches sociales, selon le chercheur, notamment celle liée à la lutte des classes, héritée des analyses marxistes. «La nouvelle génération de sociologues a grandi dans un tout autre contexte historique et intellectuel : fin du marxisme et éclatement et disqualification de la classe ouvrière, internationalisation des parcours universitaires», constate en effet le sociologue Stéphane Beaud.

Les deux auteurs sont en outre revenus sur la polémique suscitée par leur article «Impasses des politiques identitaires», publié au mois de janvier dans Le Monde diplomatique, sur la même thématique. «Quelle honte de relayer ça !», avait par exemple lâché sur Twitter la militante Rokhaya Diallo, en réaction au partage du papier en question par l'observatoire des inégalités. 

«On savait que nos positions, pourtant ni renversantes, ni iconoclastes, allaient être attaquées mais on n’imaginait pas l'ampleur et la violence des réactions. C'était sidérant et bien sûr symptomatique», confie aujourd'hui Gérard Noiriel.