France

Des enfants peu contaminants mais encouragés à ne pas aller à l'école : le gouvernement incohérent ?

Le Premier ministre a recommandé aux Français de ne pas envoyer leurs enfants à l'école en fin de semaine afin de limiter les risques de contaminations au Covid-19 lors des fêtes. En septembre ceux-ci avaient pourtant été jugés peu contagieux.

Le 15 décembre, le Premier ministre Jean Castex a suggéré de ne pas envoyer les enfants à l'école jeudi et vendredi afin de prévenir les risques de contaminations au Covid-19 dans le cercle familial lors des fêtes de fin d'année.

Il a ainsi suivi un avis du Conseil scientifique qui va pourtant à l’encontre des déclarations faites par le gouvernement sur le caractère «peu actif» des enfants dans la chaîne de transmission du coronavirus.

Au micro d'Europe 1, Jean Castex s'est exprimé en ces termes : «Chaque fois que cela est possible, surtout si on doit recevoir à Noël des personnes vulnérables, le Conseil scientifique [...] a dit : "si vous pouvez ne pas emmener vos enfants à l'école jeudi et vendredi [...], vous le faites"». Le Premier ministre a par ailleurs recommandé aux Français qui le peuvent de s'auto-confiner une semaine avant les fêtes. 

Le chef du gouvernement suit les recommandations du Conseil scientifique décrites dans une «note d'éclairage scientifique» publiée le 14 décembre. Une note concernant cette tolérance des absences le 17 et le 18 décembre devrait d'ailleurs être adressée aux recteurs.

Des enfants pourtant considérés comme «peu actifs dans la chaîne de transmission du coronavirus»

Le 17 septembre, citant un avis du Haut conseil pour la santé publique, le ministre de la Santé Olivier Véran avait cependant déclaré : «Les enfants jeunes sont peu à risque de formes graves et peu actifs dans la chaîne de transmission du coronavirus [...] avec un risque de transmission principalement d’adulte à adulte [...] mais rarement d’enfant à enfant ou d’enfant à adulte».

Des informations qui avaient conduit le ministère à assouplir le protocole sanitaire dans les écoles et les crèches et qui avaient été confirmées par une étude menée en juin par l'Institut Pasteur affirmant que les enfants de 6 à 11 ans transmettent peu le Covid-19. «Les enfants de moins de 10 ans sont très peu contagieux et symptomatiques. Les adolescents, eux, se rapprochent des adultes en termes de contagion et de signes cliniques de la maladie», avait déclaré au Parisien Arnaud Fontanet, l'auteur principal de cette étude. Des études réalisées par l'hôpital Necker et l'Institut Pasteur en juin et juillet confirment cette analyse selon laquelle les enfants atteints du Covid-19 sont bien moins symptomatiques que les adultes. 

Outre le potentiel de contagion, le risque d'être infecté augmente lui aussi avec l'âge : une étude des Centres de prévention et de lutte contre les maladies aux Etats-Unis (CDC) parue le 28 septembre indique les adolescents de 12 à 17 ans seraient environ deux fois plus susceptibles d'être infectés par le coronavirus que les enfants de 5-12 ans, comme le rapporte La Dépêche.

Le milieu éducatif entre incompréhension et effarement 

Ces informations contradictoires et cette annonce tardive du Premier ministre ont suscité l'incompréhension de bon nombre de parents d'élèves et de syndicats. 

«Depuis le mois de septembre, on nous dit que les enfants ne sont pas contaminants et là, finalement, cela revient à dire qu'il y a un risque que les enfants puissent contaminer», a réagi Guislaine David, cosecrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire. Quant à la rentrée de janvier, «si on considère que les enfants sont dorénavant contaminateurs, alors il va falloir anticiper le retour à l'école dans trois semaines avec un protocole sanitaire renforcé», estime-t-elle.

Pour Florence Delannoy, secrétaire générale adjointe du SNPDEN (principal syndicat des chefs d'établissement) et proviseure d'un lycée à Lille, cette annonce de Jean Castex est tout simplement «ridicule». «Soit ils décident de fermer totalement les établissements, soit ils les laissent ouverts puisque les enfants ne sont pas contaminateurs», suggère-t-elle en regrettant «à nouveau une demi-mesure annoncée à la hâte». «Jeudi, vendredi ou même samedi matin pour certains établissements, il y a des examens prévus, on ne va pas tout annuler comme ça», peste-t-elle.

Le Syndicat des enseignants UNSA considère que cette annonce constitue un «manque de respect des personnels qui découvrent, en même temps que tout le monde, une mesure qui, par son fond et par sa forme, ne fait aucun cas des longues semaines d’investissement pour maintenir la scolarité des élèves dans un confinement qui a ralenti l’épidémie jusqu'aux derniers allégements qui ne concernent pas le champ scolaire».

Guislaine David évoque également «une rupture d'égalité entre les familles : ceux qui vont pouvoir s'arranger pour garder leurs enfants dans l'optique de protéger les grands-parents notamment, et les autres, qui ne pourront pas les garder ces deux jours parce qu'ils travaillent». La mesure – non obligatoire – ne sera en effet pas accompagnée d'une aide financière aux parents qui souhaiteraient garder leurs enfants à la maison, comme le rappelle France 24.

Le mouvement «Les Stylos Rouges» a quant à lui déclaré être «heureux que le premier ministre et le conseil scientifique donnent raison à leur plainte : les établissements scolaires sont bel et bien contaminants». Il rappelle par ailleurs que «l'école est obligatoire et que les médias ne constituent pas une note officielle aux personnels de l'éducation nationale», tout en ironisant sur le fait que «le covid se régale du "en même temps"».

Afin de clarifier la situation, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer a déclaré sur RTL dans la soirée du 15 décembre que la règle reste celle d'aller à l'école jeudi et vendredi, et qu'il «n'incit[e] pas» à l'absentéisme. «Ne compliquons pas ce qui ne l'est pas [...] les choses fonctionnent normalement jusqu'à la fin [de la semaine] et dans les cas, sans doute relativement rares où une famille décide l'auto-confinement, alors on accepte l'absence», a-t-il précisé tout en rappelant qu'«il n'y [avait] pas de contamination particulière en milieu scolaire».