Ameer al-Halbi, un photographe syrien collaborateur de l'AFP qui couvrait la Marche des libertés le 28 novembre 2020, a été blessé au visage, a fait savoir sur Twitter le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire. Celui-ci a partagé la photo du journaliste, le visage tuméfié et ensanglanté, prise par la photographe de l’AFP Gabrielle Cézard qui se trouvait à ses côtés à l’hôpital Lariboisière. L'homme aurait reçu un coup de matraque lors d'une charge de la police.
Christophe Deloire affirme qu’Ameer al-Halbi a été «blessé au visage par un coup de matraque» alors qu’il était «identifiable comme journaliste». Il a exprimé toute la solidarité de RSF, ajoutant : «Ces violences policières sont inacceptables. Ameer est venu de Syrie en France pour s’y réfugier, comme d’ailleurs plusieurs autres journalistes syriens. Le pays des droits de l’Homme n’a pas à les menacer, mais à les protéger.»
L’AFP réclame l’ouverture d’une enquête de police
Gabrielle Cézard, photojournaliste de l’AFP, a retracé les moments qui ont précédé les violences envers le Syrien, avec qui elle se trouvait pendant la manifestation : «Nous étions identifiables comme photographes et tous collés à un mur. On criait "Presse ! Presse !" Il y avait des jets de projectiles du côté des manifestants. Puis la police a mené une charge, matraque à la main.»
Ameer était le seul photographe qui ne portait ni casque, ni brassard
«Ameer était le seul photographe qui ne portait ni casque, ni brassard. Je l’ai perdu de vue, puis je l’ai retrouvé entouré de gens, le visage tout ensanglanté et enveloppé de pansements. Il était psychologiquement très touché. Il a pleuré et a dit qu’il ne comprenait pas pourquoi "c’était mal de faire des photos"», poursuit-elle.
Le journaliste de Mediapart Antton Rouget a pour sa part affirmé sur Twitter avoir «suivi ce photographe après sa blessure, sans savoir qu’il s’agissait d’Ameer al-Halbi, reporter ayant fui la guerre en Syrie». Il raconte que celui-ci a «été pris en charge par des street medics qui ont été bloqués plusieurs fois par des CRS au moment de l’amener à l’hôpital».
Le lendemain, l’AFP a réclamé l’ouverture d’une enquête de police. «Nous demandons à la police d'enquêter sur ce grave incident et de s'assurer que tous les journalistes soient autorisés à mener leur travail sans peur ni restriction», s’est ainsi offusqué Phil Chetwynd, directeur de l'information à l'AFP. «Nous sommes choqués par les blessures infligées à notre collègue Ameer al-Halbi et nous condamnons cette violence non provoquée», a-t-il déclaré.
Réfugié en France depuis 2017
Phil Chetwynd a tenu à rappeler que le 28 novembre, Ameer al-Halbi «exerçait son droit légal comme photojournaliste couvrant les manifestations dans les rues de Paris» et qu'il «se trouvait avec un groupe de collègues clairement identifiés comme journalistes».
La rédaction de Polka Magazine, qui collabore également avec le journaliste syrien, a exprimé «sa forte indignation suite à l'agression policière dont [il] a été victime […] Le violent coup de matraque qui l’a blessé au visage visait délibérément un photojournaliste qui exerçait librement son métier», a souligné dans un communiqué Alain Genestar, directeur de la publication.
Ameer al-Halbi quitte Alep, en Syrie, en décembre 2016. Après un passage par la Turquie, il arrive en France en 2017. Dans son pays natal, il insiste à l’âge de 17 ans auprès d’un groupe de photographes pour travailler avec eux, ce qu’il se voit refuser puisqu’il est à l’époque trop jeune. Son insistance lui permet finalement d’obtenir un appareil photo, lui permettant alors d'accompagner les Casques blancs, une organisation controversée se présentant comme un organisme humanitaire opérant en Syrie.
Il est rapidement contacté par l’agence de presse palestinienne APA Images, puis commence à travailler avec l’AFP et Nour Photos (une agence italienne). Une fois arrivé en France, il entre à l’école de photographie Spéos. Il couvrira ensuite, notamment, des manifestations des Gilets jaunes.
En décembre 2016, Polka lui avait décerné le Prix du photographe de l’année, attribué symboliquement à tous les reporters syriens. Quelques mois plus tard, il recevait également le deuxième prix de la catégorie Spot News du World Press Photo.