France

Recherche «française» ? Castex mis face à la réalité par Emmanuelle Charpentier, Nobel de chimie

Le Premier ministre a profité de l'obtention du Nobel de chimie par la généticienne Emmanuelle Charpentier pour faire l'éloge de l’attractivité internationale de la recherche française. Cette dernière a pourtant financé ses travaux en Allemagne.

«Sincères et chaleureuses félicitations à Emmanuelle Charpentier. Pour ce prix Nobel, pour les travaux révolutionnaires qu’elle a conduits avec Jennifer Doudna mais aussi pour la recherche française dont on consacre, à nouveau, l’excellence et l’attractivité internationale» : c'est en ces termes que Jean Castex a, le 7 octobre, tenu à féliciter la généticienne française Emmanuelle Charpentier et son acolyte américaine, pour leurs travaux ayant permis de mettre au point une technique permettant d'éliminer et d'ajouter des fractions de matériel génétique, avec une extrême précision.

Un message dans lequel le chef du gouvernement n'hésite donc pas à lier un tel accomplissement aux efforts consacrés à la recherche scientifique française.

Toutefois, la formule de Jean Castex s'est rapidement heurtée au discours tenu dans la foulée par la lauréate en personne, plus nuancée que le chef du gouvernement quant au soutien dont bénéficient les chercheurs en France.

C'est pas en donnant de l'argent qui permet de payer un étudiant en thèse pour trois ans qu'on peut vraiment faire de la recherche solide

«Je pense que la France aurait du mal à me donner les moyens que j'ai en Allemagne [...] Les circonstances m'ont amené à Berlin», a notamment déclaré Emmanuelle Charpentier. «La recherche scientifique a besoin d'être soutenue par le gouvernement, par tous les fonds publics et privés. Ca ne l'est pas assez dans le monde [et particulièrement] en France. [...] C'est pas en donnant de l'argent qui permet de payer un étudiant en thèse pour trois ans qu'on peut vraiment faire de la recherche solide», a encore insisté celle qui se définit comme «une scientifique mobile» ou encore «un électron libre».

Ainsi que le rappelle l'AFP, la Française, installée en Allemagne, a trouvé en 2012 avec l'Américaine Jennifer Doudna, une technique d'édition du génome baptisée CRISPR-Cas9, comparée à des ciseaux moléculaires, apte à éliminer et à ajouter des fractions de matériel génétique avec une extrême précision.

«Le mécanisme est facile d'emploi, peu coûteux, et permet aux scientifiques d'aller couper l'ADN exactement là où ils le veulent, pour par exemple créer ou corriger une mutation génétique et soigner des maladies rares», peut-on lire dans la revue Sciences et avenir. «Le but ultime [de cette technique] révolutionnaire est de corriger des maladies génétiques humaines», expliquait en 2016 Emmanuelle Charpentier, qui est désormais la troisième chercheuse française à obtenir le prix Nobel de chimie.

Les ciseaux moléculaires posent cependant d'importantes questions éthiques sur de potentielles dérives eugénistes, comme l'avait souligné Emmanuelle Charpentier elle-même.