L'Assemblée nationale a donné le 8 octobre un premier feu vert à une proposition de loi qui permet notamment l'allongement du délai légal pour recourir à l'avortement, par 86 voix pour et 59 contre, à l'issue d'échanges houleux.
«Nous sommes majoritaires pour que progresse le droit à l'avortement», s'est réjouie notamment la députée LFI Clémentine Autain.
Porté par le groupe EDS (Ecologie, démocratie, solidarité), le texte a été débattu sous le feu roulant des critiques de la droite, dans le cadre d'une «niche» réservée à ce groupe politique. Le texte, soutenu par la gauche et le groupe LREM, était considéré comme un sujet «sensible» par le gouvernement, qui s'est borné à s'en remettre à la «sagesse» des députés.
L'ambiance était électrique au Palais Bourbon, ravivant les passions. Le gouvernement, pour sa part, avance avec prudence face à des députés LREM beaucoup plus allants. Le texte prévoit donc un allongement du délai légal d'accès à l'IVG passant de 12 à 14 semaines de grossesse (16 semaines d'aménorrhée).
«J'avais cru en venant dans l'hémicycle que ce n'était pas le droit à l'avortement qui était remis en question [mais] c'est de ça dont il est question», a fustigé l'élue LREM Aurore Bergé face à un amendement du député Les Républicains (LR) Xavier Breton.
«Nous n'attendons ni compassion ni commisération, nous n'attendons rien, nous attendons que les femmes puissent vivre leur accès à l'avortement comme elles le souhaitent. Les entraves continuent dans notre pays», a tonné Aurore Bergé, elle-même issue de LR.
«Personne ne remet en cause le droit à l'IVG», se sont défendus à plusieurs reprises les parlementaires de droite, à l'image du LR Patrick Hetzel.
Des ex-marcheurs comme Joachim Son-Forget et Agnès Thill ont aussi dévoilé leur opposition au projet. «Ce droit à l'IVG existe, il est encadré, il est permis [..] Malheureusement [avec ce texte], on va se diriger vers quelque chose qui plus largement atteint la question de la vie humaine et de sa dignité», a déclaré à l'Hémicycle, Joachim Son-Forget.
Pour le gouvernement, la partition est délicate. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a rappelé qu'il était essentiel d'attendre l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), que le gouvernement a saisi le 6 octobre, «pour faire un travail complet abouti» et éclairer les débats.
La ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a déjà exprimé un avis dubitatif à propos de l'amendement. Sur Cnews, elle a assuré que «les réponses [étaient] parfois un tout petit peu plus compliquées que "oui" ou "non"» : «Je comprends qu'on veuille entendre les femmes qui disent 'Je suis dans une détresse absolue et je veux avoir recours à l'IVG dans mon pays'. Maintenant, je pense qu'on répond un tout petit peu à côté.»
C'est désormais au tour du Sénat d'examiner le projet de loi.
Du fait d'un manque de praticiens et de la fermeture progressive de centres IVG, il s'écoule souvent plusieurs semaines entre le premier rendez-vous et l'intervention. Chaque année, entre 3 000 et 4 000 femmes «hors délai» partiraient avorter à l'étranger, selon un rapport parlementaire publié en 2000.