France

Calais : des associations contestent les restrictions sur la distribution de nourriture aux migrants

La préfecture du Pas-de-Calais a interdit «toute distribution gratuite de boissons et denrées alimentaires» par les associations non mandatées par l'Etat à Calais pour cause de Covid-19. Des associations ont demandé la suspension de l'arrêté.

Dans un arrêté du 10 septembre, la préfecture du Pas-de-Calais a interdit, jusqu'à la fin du mois, «toute distribution gratuite de boissons et denrées alimentaires» effectuée par une association non-mandatée par l'Etat dans une vingtaine de rues, quais et places du centre de Calais, ville emblématique de la crise migratoire. 

Les autorités invoquaient, dans ce texte, des risques sanitaires dans le contexte du Covid-19 et de salubrité publique. Une décision qui est très mal passée du côté des associations, à l'instar du Secours catholique. Dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron le 17 septembre, celle-ci se dit «choquée» par l'arrêté signé par le préfet, «sous l'impulsion du ministre de l'Intérieur».

Pour le Secours catholique, le texte s'en prend notamment «à la liberté d'association» car «le ministre de l'Intérieur préempte et confisque pour l'Etat toute action "gratuite" relevant de la générosité, de l'aide humanitaire, de la solidarité citoyenne».

Par voie de conséquence, des associations d'aide aux migrants ont contesté le 16 septembre, devant le tribunal administratif de Lille, l'arrêté préfectoral leur interdisant de distribuer des repas dans le centre-ville de Calais, invoquant le droit à la dignité des personnes aidées mais aussi le principe de fraternité.

12 ONG et associations demandent logiquement en référé la suspension de l'arrêté.

Justifiant cette mesure par les «nuisances» causées par ces distributions et par le non-respect des mesures de distanciation sociale qui y prévaudrait, la préfecture soulignait que l'association La Vie Active, mandatée par l'Etat, pourvoyait aux besoins de migrants.

«Après l'évacuation de la jungle [en 2016], l'Etat a mis en place un dispositif d'accompagnement humanitaire», a insisté à l'audience le sous-préfet de Calais Michel Tournaire, dans des propos rapportés par l'AFP, estimant en outre que l'Etat «assure pleinement un certain nombre de devoirs humanitaires».

A contrario, l'avocat des associations plaignantes, Patrice Spinosi, considère que «nous sommes face à une mesure évidemment politique, personne n'[étant] vraiment dupe des objectifs de la préfecture à ce sujet». Pour lui, l'Etat cherche à «assécher le centre-ville par peur de l'appel d'air».

Des associations tentent de contourner l'arrêté

Selon le récit de Mediapart, «au lendemain de l’arrêté, six bénévoles de l’association Salam Nord Pas-de-Calais ont été verbalisés quai de la Meuse pour avoir maintenu leur distribution de petits déjeuners, qu’ils ont pour habitude d’effectuer chaque matin».

Une militante d'une association explique devoir ruser pour fournir des repas : «On tente de nouveaux endroits qui ne figurent pas dans le cadastre, en espérant que la police ne vienne pas nous embêter. C’est le jeu du chat et de la souris.» 

Une délégation de députés Macron-compatibles, du groupe Ecologie démocratie solidarité (EDS), s'est rendue sur place le 16 septembre. Elle a constaté «le manque de moyens humains sur place» et le fait que «le travail des associations agréées ne suffi[sait] pas». Interrogé par le média en ligne, le député EDS du Val d'Oise Aurélien Taché va «demander au ministère de l’intérieur le retrait de cet arrêté et l’arrêt des expulsions qui ont lieu tous les deux jours». Un communiqué officiel d'EDS confirme ces deux demandes.

La décision de justice est attendue pour le 21 ou le 22 septembre.