«Nous ne mettrons pas des arbres morts sur les places de la ville [...] Ce n'est pas du tout notre conception de la végétalisation», a déclaré le 10 septembre le nouveau maire EELV de Bordeaux, Pierre Hurmic, en référence au grand sapin illuminé, d'environ 15 à 20 mètres de haut, qui chaque mois de décembre éclaire la place Pey-Berland située face à la mairie.
Sa volonté d'en finir avec le traditionnel sapin de Noël a valu à Pierre Hurmic – qui a par ailleurs annoncé, lors de la même conférence de presse, l'adoption, d'ici la fin de l'année, d'une «charte des droits de l'arbre» – une volée de critiques sur les réseaux sociaux, émanant de divers cercles politiques et médiatiques.
Ils sont caricaturaux, c'est nul
Le coup de gueule de la journaliste Isabelle Saporta – par ailleurs compagne de la tête de liste EELV aux élections européennes 2019 Yannick Jadot – n'est par exemple pas passé inaperçu, générant des centaines de milliers de vues sur les réseaux sociaux. «J'ai beau être écolo, je ne me reconnais pas là-dedans. Ils sont caricaturaux, c'est nul, c'est de la petite communication de m****», a-t-elle notamment tonné le 11 septembre sur le plateau des Grandes gueules.
La proposition de Pierre Hurmic moquée à droite comme à gauche
A droite de l'échiquier politique, la patronne du Rassemblement national, Marine Le Pen, a saisi l'occasion pour décocher une pique contre le parti de Pierre Hurmic : «[Les Verts] ont un rejet viscéral de tout ce qui fait notre pays, nos traditions, notre culture et chercheront à tout démonter pièce par pièce. Français, réveillez-vous !», a-t-elle écrit dans un tweet.
Même son de cloche chez le député LR des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, qui a fustigé les «pseudos écolos» : «Sous couvert de sauver la planète, ces vrais extrémistes de gauche s’attaquent naturellement à Noël. Un vrai délire !», a-t-il estimé.
«Appelez-moi vieux monde si vous voulez, mais le sapin de Noël, le Tour de France et toutes ces traditions qui nous unissent seront toujours le ciment d’une société», a de son côté twitté Xavier Bertrand, ex-LR, président de la région Hauts de France.
«A Bordeaux on supprime le sapin de Noël, à Lyon on déteste le #TourdeFrance... ou quand l’idéologie et la bêtise veulent mettre fin à des traditions populaires. Cette écologie politique n’a rien à voir avec la préservation de l’environnement et de la planète», a pour sa part réagi l'ancien Premier ministre Manuel Valls.
Du côté du gouvernement, la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a twitté : «En fait, les maires EELV, c’est tout ce qui amène un peu de joie ou de fête qu’ils interdisent ! Ils sont pires qu’idéologues : ils sont rabat-joie.»
A gauche, certains ont également exprimé leur stupéfaction après une telle annonce. «Interdire ce qui fait la joie du peuple... Ces gens-là sont vraiment des Savonaroles ou des quakers», a estimé Jean-Pierre Lettron, ancien conseiller municipal chevènementiste de Bourg-la-Reine.
«Vous êtes ridicule, tout comme votre parti», a encore commenté Antoine Berranger, souverainiste de gauche et maire adjoint de la commune d'Avessac (Loire-Atlantique).
Le 11 septembre, l'Association française du sapin de Noël naturel a publié un communiqué s'indignant des propos du maire de Bordeaux qui relèvent, selon elle, d'une «vision dogmatique, sans aucun fondement, qui vise clairement à nier une tradition familiale appréciée et largement suivie». L'association, qui regroupe 130 adhérents, estime que l'édile s'offre «une couverture médiatique à bon marché, tout en jetant l’opprobre sur toute une profession et porte atteinte à notre production et à nos emplois». Pierre Hurmic s'exprime sans «aucune caution scientifique», par des «propos excessifs» ajoute-t-elle, jugeant que sa proposition démontre sa «réelle méconnaissance du monde agricole».
Une «polémique inutile», rétorque la mairie
La Ville s'est rapidement défendue en énumérant les coûts associés au traditionnel grand sapin et en tentant de rassurer quant à une solution de remplacement : «Les arbres vivants de la place Pey-Berland et de la place Jean-Moulin (adjacente) seront illuminés», a affirmé la mairie. «Ce sont les services de la ville qui nous ont alertés sur le coût faramineux de l'arbre de Noël», a assuré à l'AFP Didier Jeanjean, adjoint chargé de la nature en ville, dénonçant une «polémique inutile [...] initiée par un courant d'extrême droite». «La féerie de Noël sera conservée», a-t-il insisté, assurant que la décision de la mairie «n'a[vait] rien à voir avec la laïcité».
J'ai dit que cette année nous privilégierons plutôt des arbres vivants, que nous allons décorer
«On avait installé les années précédentes un arbre de 17 mètres, coupé, sur la place Pey-Berland, qui l'an dernier, lors de la tempête Fabien, a chuté et a endommagé la place», a également expliqué Pierre Hurmic le 12 septembre sur Europe 1. «Donc j'ai dit que cette année nous privilégierons plutôt des arbres vivants, que nous allons décorer», a-t-il poursuivi. «On a des gens totalement incultes : le sapin n'est pas un symbole chrétien de Noël ! On a le droit de modifier un certain nombre de traditions... Le pouvoir des conservateurs et réactionnaires, dans cette ville comme ailleurs, est hallucinant», a ajouté le maire de Bordeaux.
A Strasbourg, la maire écologiste Jeanne Barseghian, également élue pour la première fois en juin, a en revanche fait part, dans un court communiqué daté du 11 septembre, de son souhait de «voir s'ériger le traditionnel sapin de Noël place Kléber, quelles que soient les conditions sanitaires en décembre».