Dans les jours qui ont suivi l'agression brutale de Philippe Monguillot, le conducteur de bus de Bayonne, décédé le 10 juillet, Marine Le Pen, Jordan Bardella, ainsi que plusieurs personnalités de droite, comme Damien Rieu, ont publié la photographie, abondamment partagée sur les réseaux sociaux, d'un homme en le présentant comme l'un des assassins.
Je suis de tout coeur avec vous madame
Selon France Bleu, le jeune homme s'appelle Mourad et est âgé de 29 ans. Il a porté plainte le 13 juillet pour «diffamation» et «dénonciation calomnieuse», a fait savoir le 14 juillet son avocat. Menacé et insulté depuis, le plaignant n'a de cesse de répéter, dans des vidéos qu'il diffuse sur les réseau sociaux, qu'il n'a «rien à voir avec ce meurtre». Dans cette vidéo, il s'adresse directement à l'épouse de Philippe Monguillot, lui disant : «Je suis de tout cœur avec vous madame».
«On a été choqués de voir cette photo de notre frère, j'ai eu mal au ventre en voyant ça. S'il n'avait pas été basané, ça n'aurait jamais été repris, c'est de la récupération politique, de la manipulation totale», s'est insurgé auprès d'une correspondante de l'AFP le frère du plaignant. Il dénonce la diffusion du visage de son frère sur des «comptes racistes».
L'antenne de SOS Racisme de Bayonne fait savoir de son côté qu'elle compte saisir la justice. «La famille [du jeune homme] est complètement abasourdie, c'est catastrophique pour lui ce qu'il se passe», soulignait le 12 juillet Djamel Mohammedi, porte-parole de l'association, toujours auprès de l'agence de presse.
Un cliché pris par la police selon le plaignant
Selon Le Parisien, qui est entré en contact avec le jeune homme, il reconnaît de lui-même avoir déjà passé «quelques années» en prison après différentes condamnations pour des faits de délinquance dont «petites bagarres», consommation d'alcool, trafic de stupéfiants. Il estime donc que la photo a été prise par les forces de l'ordre dans un commissariat lors de l'une de ces affaires. «Comment ce document a-t-il bien pu sortir d'un commissariat ?», s'interroge son avocat, cité par France Bleu. «Oui, j'ai fait de la prison mais je ne suis pas un tueur», dit en outre le jeune homme dans sa vidéo.
Après les protestations de l'intéressé, toutes les personnalités qui avaient partagé sa photo ont supprimé leur publication. Contacté par le quotidien francilien, le trésorier du Rassemblement national, Wallerand de Saint Just, avocat, n'a pas répondu aux sollicitations. Le militant identitaire Damien Rieu a, lui, minimisé cette erreur le 11 juillet après-midi sur Twitter, accusant les médias qui «cachent les noms des tueurs» : «On en trouve trois, on se trompe sur un», a-t-il écrit.
Le Rassemblement national plaide «la bonne foi»
Cité par France Bleu Pays Basque, le conseiller régional du Rassemblement National, le bayonnais Jean-Michel Iratchet, ne condamne pas les propos tenus par ses représentants nationaux et européens qui ont partagé la photo de Mourad. «Marine Le Pen et Jordan Bardella ont réagi sur la base de photos, ils ont réagi à priori de bonne foi», plaide-t-il.
«Lorsqu'un document fuite d’un commissariat de police il semblerait que l'on puisse lui accorder un certain crédit ! Donc que ce soit Marine Le Pen ou bien Jordan Bardella, ils ont communiqué sur la base de documents qu’ils pensaient être véritables», ajoute le conseiller régional. «Or il semblerait que sur ces photos, il y a celle d’un mis en cause et l’autre n’y serait pour rien, donc... cela a été fait de bonne foi, donc moi, condamner la bonne foi je ne peux pas !», juge Jean-Michel Iratchet.
Le délégué départemental du RN François Verrière pour les Pyrénées-Atlantiques reconnait pour sa part , toujours auprès de la radio locale, qu'«évidemment, c’est dommageable et très malheureux pour cette personne qui est innocente dans cette affaire, mais que ce soit l’eurodéputé Bardella ou notre présidente Marine Le Pen, ils ne sont pas les seuls à avoir retweeté ce cliché [...] c’est une photo qui [...] selon mes informations, vient de la police».
Marine Le Pen est «désolée» d’avoir relayé la photo
Marine Le Pen s'est d'ailleurs dite «désolée» le 16 juillet, d'avoir relayé la photo, invitant en revanche les médias à «donner les noms» des «présumés assassins» et des «présumés violeurs». «Je suis évidemment désolée pour cet homme qui, s'il est innocent, [s'est] retrouvé dans cette situation. Mais vous, donnez les noms», a déclaré sur France 2 la présidente du Rassemblement national.
«Pourquoi est-ce que les médias ne donnent pas les noms des présumés assassins, des présumés violeurs ?», a demandé la dirigeante du Rassemblement national. «Mon community manager a commis une erreur de rapidité» et le message Facebook «a été retiré d'ailleurs immédiatement», a-t-elle fait valoir.
Suite à l'agression mortelle de Philippe Monguillot, décédé le 10 juillet à l'hôpital de Bayonne, quatre personnes avaient rapidement été interpellées avant d'être mises en examen et placées en détention provisoire.