Economie

Covid-19 : à rebours du gouvernement, les Français souhaiteraient plus d'impôts pour les riches

Si 75% des Français veulent davantage taxer les riches dans l'après-coronavirus, la République en marche et l'exécutif se refusent à une telle idée. Le gouvernement prévoit en revanche de prolonger une taxation sur les salaires des Français.

L'Etat va-t-il se résoudre à suivre l'opinion des Français en matière d'impôts ? Dans le contexte de la pandémie du Covid-19, un sondage Odoxa, publié le 9 juillet, montre en effet que 75% des citoyens demanderaient «un impôt spécifique pour les riches», soit, selon le baromètre, un impôt pour une personne «qui gagne 6 000€ par mois et/ou dispose d’un patrimoine immobilier et financier de 500 000€».

Toutefois, jusqu'à présent le gouvernement refuse une telle imposition, même par solidarité, pour combler la dépense publique durant la crise sanitaire. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, confiait d'ailleurs le 14 mai dernier sur BFM TV, qu'il s'agissait là d'une idée de «pure démagogie» : «Je ne suis favorable, ni à des augmentations d'impôts, ni à des créations de nouveaux impôts, ni à des créations de nouvelles taxes.»

Dans son allocution du 14 juin, le président de la République a lui-même exclu tout hausse des impôts. En filigrane, Emmanuel Macron évoquait notamment le refus absolu d'un retour de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

L'Assemblée nationale a d'ailleurs de son côté rejeté le 18 juin une proposition de loi communiste visant à rétablir l'ISF – revendication partagée par tous les groupes de gauche, mais «vieille recette inefficace» selon le gouvernement ou la droite. «Les anciennes recettes ne fonctionnent plus», avait ainsi déclaré la secrétaire d'Etat à l'Economie Agnès Pannier-Runacher. La députée La République en marche (LREM), Nadia Hai, a dénoncé à son tour le «mensonge [de] faire croire qu'en confisquant à certains, on réduira les inégalités pour d'autres» et le Modem Mohamed Laqhila a critiqué un «impôt anti-business et anti-entrepreneur», avec un «gain net très faible». 

Pour la plupart des LREM, c'est un «débat d'arrière-garde», d'autant que ces recettes passées – jusqu'à cinq milliards d'euros par an – sont, selon eux, «sans commune mesure» avec les centaines de milliards d'euros déjà engagés face à la crise. 

Des économistes de renom soutiennent un retour de l'ISF

Des partis de gauche au mouvement syndical, en passant par la prix Nobel d'Économie Esther Duflo, des voix réclament pourtant le rétablissement de l'ISF, supprimé par Emmanuel Macron et remplacé par un impôt sur la fortune immobilière (IFI) au début du quinquennat, protégeant ainsi les fortunes liées à la spéculation boursière.

L'économiste Thomas Piketty, qui soutient également le retour de l'ISF, critique en outre les contradictions du gouvernement. «Ce qui m'embête, c'est tous les non-dit. [Emmanuel Macron] nous dit, par exemple, "je ne vais pas augmenter les impôts". Sauf qu'en fait, on les a déjà augmentés», a expliqué l'ancien soutien de Benoît Hamon sur France Inter, le 15 juin. Thomas Piketty a de fait pointé la récente prolongation sur presque dix ans de la perception du CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale). «Normalement, ça devait s'arrêter [en 2024], c’est-à-dire que tout le monde aurait eu une augmentation de salaires ou de pensions de retraite de 0,5%», explique-t-il. «Le principal impôt sur le patrimoine en France, c'est la taxe foncière [...] C'est un impôt très lourd, extrêmement injuste, qui augmente d'année en année [...] L'ISF corrigeait un peu ça, ça a été supprimé», alors qu'«un impôt sur la fortune des 1% les plus riches devrait rapporter au moins 10 milliards d'euros» par an, commente encore Thomas Piketty.

En juin, plusieurs députés de gauche ont relancé l'idée d'une «Taxe Jean Valjean». Portée par le communiste Sébastien Jumel, cette proposition de résolution, à valeur symbolique, est cosignée par des communistes (PCF), des Insoumis (LFI) et quelques élus socialistes et apparentés.

Pour les personnes possédant «10 millions d'euros de patrimoine» et plus, il s'agirait d'une «taxe progressive» de 1 à 5% qui «permettrait de ramener 34 milliards profondément utiles dès la première année», a fait savoir le député communiste, élu de Seine-Maritime, lors d'un point presse place du Palais Bourbon.