Mercredi 24 juin
«Je ne me trouve pas désagréable, je me trouve plutôt aimable», a estimé le professeur Raoult, concédant néanmoins que c'était un point de vue «subjectif».
«Je ne vois pas de raison de ne pas croire aux chiffres chinois. Je ne vois pas pourquoi ils mentiraient plus, alors qu'ils ont plutôt une tendance à amplifier le phénomène pour montrer qu'ils ont été sérieux. D'ailleurs, ce sont eux les plus grands bénéficiaires de la crise car on a tout acheté là-bas», rappelle Didier Raoult.
Didier Raoult rappelle que l’hydroxychloroquine remonte au quinquina, arbuste originaire de l'Equateur, qui était considéré comme l’«écorce des fièvres» par les Jésuites au XVIIe siècle. Il rappelle que son efficacité contre les fièvres a été décriée, notamment pour des questions de posologie. Mais lorsque le roi Louis XIV fut guéri grâce à une poudre à base de quinquina en 1686 et en 1687, le regard sur cette écorce a changé et son usage s'est répandu en France.
«Toute cette histoire, c'est parce que les gens d'Europe de l'Ouest ont de mauvaises habitudes, c'est là qu'on est mort le plus. [...] Les 15 pays les plus touchés sont les 15 pays les plus riches. Est-ce qu'on sait encore traiter les maladies infectieuses aiguës ?», s'est interrogé Didier Raoult.
«50% des médecins dans le monde utilisent l'hydroxychloroquine pour soigner le Covid. Et en France aussi», assure Didier Raoult.
«Je vous recommande faire une véritable enquête sur Gilead et le Remdesivir [...] J'ai été menacé, j'ai porté plainte et l'auteur des mails c'était le type qui recevait le plus d'argent de Gilead depuis dix ans», a déclaré Didier Raoult. Plus tôt, il a vertement critiqué le laboratoire et dénoncé des conflits d'intérêts.
«Je ne suis pas un homme de réunions, je suis un homme de données», a déclaré Didier Raoult.
«L'idée que l'Etat se saisisse de soins qui sont de la tâche usuelle des médecins et leur interdise de faire un certain nombre de choses qui sont banales, je ne suis pas d'accord», a tranché Didier Raoult. «Et pour le dire tout à fait officiellement, je suis surpris que l'Ordre des médecins ait accepté une chose pareille. Moi, si j'avais été le président de l'ordre des médecins, j'aurais démissionné immédiatement», a-t-il ajouté.
«Vous me demandez pourquoi je ne suis pas resté dans ce Conseil scientifique, c’est parce que je considérais que ce n’était pas un Conseil scientifique», a tranché Didier Raoult. «Je sais ce que c’est un Conseil scientifique, je vous assure que j’ai un Conseil scientifique à l’IHU, il fait rêver le monde entier, c’est que des stars dans leur domaine», a-t-il ajouté.
«Je l’avais dit au ministre : les conflits d’intérêt, ils vont nous polluer», rappelle le professeur marseillais, expliquant que l’autre question qu'il avait posée était celle des experts : «J’avais dit : faites attention !»
A propos du manque de dépistage au plus fort de la crise, Didier Raoult n'a pas mâché ses mots. Il estime que «la manière dont ça s’est organisé est archaïque […] ça frise le ridicule».
«Je ne jamais dit ça [qu’il y aurait pas de seconde vague]. […] Parmi les hypothèses possibles, il y a l’hypothèse qu’elle devienne une maladie saisonnière, soit qu’elle disparaisse complètement comme le SARS», a répondu Didier Raoult aux députés.
«L’idée qu’on va donner le même médicament aux quatre étapes de la maladie est une fantaisie […] le Remdesivir ne pouvait pas marcher sur les formes graves», a-t-il déclaré en allusion à l'antiviral utilisé contre le Covid-19. En effet, à un stade avancé de la maladie, Didier Raoult a, depuis le début, expliqué que la «charge virale est quasi nulle».
Didier Raoult critique vertement le laboratoire Gilead qui aurait exercé, selon lui, une influence disproportionnée sur la recherche d'un remède contre le coronavirus : «C'est bien au-delà ce qu'on a vu avec le Mediator. (...) J'étais surpris de voir le directeur de Gilead tutoyer» le responsable des essais au ministère de la Santé, a-t-il notamment déclaré.
«Si quelqu’un qui a fait partie du board de Gilead parle de la microscopie électronique, ça ne pose pas de problème, mais s’ils parlent du Remdesivir, ça me pose un problème», détaille Didier Raoult. C'est en effet le laboratoire Gilead qui produit le Remdesivir.
«Ce n'est pas ma faute si on ne sait pas organiser les essais cliniques dans ce pays», a déclaré Didier Raoult, à propos de l'hydroxychloroquine.
«L'observation est toujours la première étape. Mais pour observer, il faut faire du diagnostic», explique Didier Raoult, qui critique le fait qu'on ait dit aux patient de venir quand ils étaient essoufflés, alors que souvent, selon lui, il était, à ce moment-là, déjà trop tard pour beaucoup d'entre eux. «L’essoufflement est un très mauvais marqueur de cette maladie», juge Didier Raoult qui ajoute que «65% des gens qui n’ont pas de signes respiratoires ont des lésions au scanner, donc cette phase d’observation dont on s’est privés était un point clé».
«Il y avait les moyens de tester dans ce pays, [...] et c'était indispensable parce qu'à partir du moment où on ne testait pas, on ne pouvait pas étudier la maladie. Tout ce que l'on a déduit sur la maladie, on l'a déduit de la grippe, et ce n'était pas vrai», a déploré Didier Raoult.
Selon lui, «on n'a pas dit la vérité» sur la simplicité de généraliser le dépistage : «C'est moi qui ai expliqué [la simplicité du dépistage] au président, pour la première fois, [en lui disant] : "Vous savez, la PCR, c'est très simple et tout le monde peut la faire"».
«Je pense que le ministre a été mal entouré. Il faut avoir des remparts, des gens qui sont capables d'analyser les articles», a estimé Didier Raoult concernant les prises de décisions et la communication d'Olivier Véran sur l'hydroxychloroquine.
Didier Raoult estime que les rassemblements sont «déraisonnables» dans le contexte actuel, mais il est à la fois impossible, selon lui, de prouver scientifiquement le bien-fondé ou non du confinement : «La décision du confinement, comme la décision du masque dans la rue, ne reposent pas sur des données scientifiques établies, claires et démontrables, ça ne sera jamais démontré.»
«Tous les gens qui vous feront des modèles projectifs sur des maladies qu'on ne connaît pas encore sont des fous, c'est mon idée, en tout cas ils n'ont jamais eu raison», déclare Didier Raoult.
Le directeur de l'IHU de Marseille a dit préférer «les données brutes» aux modèles mathématiques pour tenter de prévoir l'évolution de l'épidémie, dont certains tirent «une croyance» qui s'apparente, selon lui, à «une religion».
Didier Raoult revient sur l'étude publiée puis dépubliée par The Lancet, qui pointait l'inefficacité, voire la dangerosité de l'hydroxychloroquine : «Il suffisait de lire, et pas que le titre, pour se rendre compte que [ce qu'avançait l'article] n'était pas vrai», estime-t-il.
Le professeur Didier Raoult, qui a fait parler de lui dans le cadre des intenses débats sur la généralisation d'un traitement à base d'hydroxychloroquine face à la propagation du Covid-19, est auditionné ce 24 juin à l'Assemblée nationale par une commission d'enquête chargée de tirer les leçons de la pandémie.
Le directeur de l'IHU Méditerranée de Marseille fait en effet partie des interlocuteurs qu'ont décidé d'interroger les membres de la commission. En pleine crise sanitaire, il est devenu une personnalité publique de premier plan, autant adulée que vilipendée, amenant même de nombreux commentateurs à analyser son potentiel politique.
Ministres, dirigeants d’agences sanitaires et d’administrations aux manettes ces derniers mois, mais aussi ces dernières années, sont entendus par les députés depuis le 16 juin afin d'«établir la généalogie et la chronologie de cette crise», a fait savoir la présidente de la commission des Affaires sociales Brigitte Bourguignon (LREM), qui préside cette commission d’enquête.
Comme le rapporte Le Parisien, à la différence de la mission d'information parlementaire qui a rendu son rapport le 3 juin, la commission d'enquête a des pouvoirs d'investigation élargis : ses convocations sont obligatoires sous peine de sanctions pénales, les auditions se déroulent sous serment et ses membres peuvent réaliser des contrôles sur pièces et organiser des déplacements, par exemple dans un hôpital ou un Ehpad durement touché par l'épidémie. Le Sénat a aussi prévu sa commission d'enquête, qui sera mise en place à la fin du mois.
Ces missions parlementaires interviennent parallèlement à la recherche d'éventuelles responsabilités judiciaires après la crise sanitaire, puisque comme le précise l'AFP, le parquet de Paris a ouvert le 16 juin une vaste enquête préliminaire sur la gestion de la crise, visant notamment les chefs d'«homicides involontaires» ou de «mise en danger de la vie d'autrui».