France

Eric Ciotti veut interdire la diffusion d'images sur lesquelles les policiers sont identifiables

Le député veut punir de 15 000 euros d'amende et d'un an de prison la diffusion d'images de policiers dans l’espace médiatique. Une proposition qui constitue une atteinte à «la liberté de la presse et la liberté d'informer», selon un membre de l'OPP.

Le député Républicain (LR) Eric Ciotti, soutenu par 28 parlementaires, a déposé le 26 mai à l'Assemblée nationale une proposition de loi qui vise à «rendre non identifiables les forces de l’ordre lors de la diffusion d’images dans l’espace médiatique».

Pour justifier cette proposition, les députés expliquent que les forces de l’ordre «interviennent de plus en plus fréquemment dans un contexte de tensions importantes lié à une défiance envers l’autorité publique» et qu’ils sont confrontés à «la circulation d’images et de propos injurieux à [leur] encontre» qui les place «très souvent dans un climat d'insécurité». Jugeant cette situation «inacceptable», l’article unique de cette proposition de loi prévoit que la diffusion de l’image des forces de l'ordre soit punie de 15 000 euros d’amende et d'un an d’emprisonnement.

«Atteinte à la liberté de la presse et la liberté d'informer»

Passée quelque peu inaperçue, cette proposition de loi a interpellé à plusieurs égards l'Observatoire des pratiques policières (OPP), qui documente les pratiques policières en manifestation depuis 2017. Interrogé par RT France, Pascal Gassiot, membre de l'OPP, estime que cette proposition n'est tout simplement «pas recevable», étant donné qu'elle constituerait «clairement une atteinte à la liberté de la presse et la liberté d'informer».

Il pointe ainsi du doigt l'impossibilité qu'il y aurait de diffuser, par exemple, des images en direct. «L'information prime sur l'anonymat. [Or] Il paraît difficile d'imaginer qu'on puisse flouter des policiers lors de la diffusion d'images en direct. Demander à rendre non identifiables les forces de l’ordre lors de la diffusion d’images est donc impossible à tenir dans les faits. Cela reviendrait à interdire la diffusion de direct», explique Pascal Gassiot.

Selon lui, cette proposition doit, qui plus est, être mise en parallèle avec le référentiel des identités et de l’organisation (RIO), ces sept chiffres d'identification que possède chaque agent. Sept chiffres que gendarmes et policiers sont obligés de porter de manière visible, à de rares exceptions. «Les policiers aujourd'hui, largement plus de la moitié, ne portent aucun signe d'identification. Ils s'anonymisent. Le port de la cagoule généralisé plus l'absence de RIO contribue à les anonymiser. Si les policiers pouvaient être identifiés par les manifestants par leur RIO, on pourrait discuter de la notion [de les flouter]», soutient Pascal Gassiot.

Enfin, ce membre de l'OPP souligne l'importance de la vidéo, qui est devenue selon lui «quelque chose de fondamental, qui contribue à défendre [les] libertés». «Si les policiers avaient un comportement conforme au code de déontologie de la police et à l'ensemble des règlement qui régissent l'intervention des forces de l'ordre sur la voie publique, personne ne se poserait la question [de rendre non identifiables les forces de l’ordre lors de la diffusion d’images]», poursuit-il.

En tout état de cause, Pascal Gassiot voit dans cette proposition une simple «opération de communication» d'Eric Ciotti et des parlementaires à destination de leur électorat, le texte n'émanant pas de la majorité ou du ministre de l'Intérieur et ayant donc peu de chances d'aboutir. «Ce sont 28 députés de droite qui font de la pub», conclut-il.