Le 16 mai, des caissières et des employés ont quitté leur poste dans le magasin Auchan de Val-de-Fontenay (Val-de-Marne), sous les bravos des clients. «Auchan nous a trahis», ont-ils scandé en rythme, dénonçant la promesse brisée d'une prime de 1 000 euros pour tous les salariés. Le commerce a dû fermer ses portes avant l'heure prévue.
La direction du groupe avait pourtant promis au début de l'épidémie de récompenser ses salariés d'une telle prime. Or, certains n'auraient finalement perçu à ce jour que quelques dizaines d'euros. «Je confirme que certains n'ont touché que 50 à 100 euros, alors que la direction avait annoncé haut et fort que tout le monde toucherait 1 000 euros : voilà comment on fait de la publicité mensongère !», se plaint Serge Garin, délégué syndical central national CFDT Auchan Retail France, interviewé par RT France.
Jean-Philippe Gautrais, le maire de Fontenay-sous-Bois (Front de gauche), a encouragé les protestataires, en réclamant de meilleures rémunérations et l'octroi de la prime promise.
D'autres salariés du groupe ont organisé un débrayage le 2 mai au magasin Val d'Europe pour les mêmes raisons.
Des primes minimes avec le prorata
Alors que l'épidémie du Covid-19 sévissait sur le territoire, les géants de la grande distribution avaient pour la plupart annoncé le versement de primes récompensant l'investissement de leurs salariés. Ainsi, le groupe Auchan avait été le premier à annoncer qu’il gratifierait de 1 000 euros ses 65 000 salariés pour «leur formidable engagement». Il avait ensuite réduit la voilure en annonçant que la prime serait conditionnée au nombre d'heures travaillées. Les salariés effectuant moins de 28h étaient pénalisés en ne touchant qu’un prorata de la prime. Quant à ceux qui travaillaient moins de 10 heures hebdomadaires, ils n’auraient obtenu que 50 euros.
Le virus ne proratise pas !
Cette disposition, vivement contestée par les syndicats, avait donné lieu à une pétition de la CFDT Auchan signée à ce jour par plus de 19 000 personnes. Le groupe avait ensuite allongé le temps de travail ouvrant droit à la prime, pour que les moins bien lotis puissent toucher jusqu'à 250 euros. «La direction avait fait un rétropédalage pour des primes plus justes, plus élevées que 50 euros. Mais comme nous disons, le virus ne proratise pas !», explique Fabien Alliata, délégué CFDT aux services centraux d'Auchan, contacté par RT France.
Les salariés auront-ils gain de cause ?
L'effet d'annonce retombé, l'heure est au constat : les poids lourds de la grande distribution ont géré chacun à leur manière l'octroi de cette prime. Le groupe Carrefour avait versé véritablement à tous et sans conditions la somme promise dès la fin mai. Dans les autres groupes qui appliquèrent le prorata, des discussions furent nécessaires. «Pour Casino, il y a eu des modalités, et chez Monoprix, également», poursuit le syndicaliste d'Auchan Serge Garin. Sa direction affirme que «tous les éléments de primes ont été négociés avec les instances représentatives».
Mais le délégué syndical crie au mensonge : «Pour l'instant, il n'y a eu aucune négociation. Ils ont pris les décisions de manière unilatérale, en faisant croire qu'il y a eu un accord avec nous. Les directeurs de magasins reprennent ce qui est dit sur Twitter alors que c’est faux. Maintenant, il faut qu’on rectifie le tir.»
Ils ont pris les décisions de manière unilatérale, en faisant croire qu'il y a eu un accord avec nous
«C’est dommage d’en être arrivé là. S’il y avait une négociation avec les partenaires sociaux, cela se serait beaucoup mieux passé», reprend Fabien Alliata. Les deux syndicalistes espèrent la reprise des négociations annuelles obligatoires, qui n'ont pas été signées par les syndicats, afin d'obtenir de meilleures rémunérations.
Les résultats du groupe Auchan s'étaient effondrés en 2018, avec une perte nette d'un milliard d'euros. Le géant avait redressé la barre en 2019, dans neuf pays sur les 12 où il est présent, accusant toutefois une baisse des ventes de 2% en France. En 2020, la crise de coronavirus fait craindre un fort plongeon de son chiffre d'affaires.