Complotisme, séparatisme ou encore autoritarisme : dans une fiche intitulée «Coronavirus et risque de replis communautaristes» mise à disposition des enseignants en vue du retour progressif à l'école à compter du 11 mai, le ministère de l'Education nationale fait part de ses principales inquiétudes.
Les enseignants y sont notamment averti que «la crise du Covid-19 peut être utilisée par certains pour démontrer l'incapacité des Etats à protéger les populations et tenter de déstabiliser les individus fragilisés». Le ministère met en garde : «Divers groupes radicaux exploitent cette situation dramatique dans le but de rallier à leur cause de nouveaux membres et de troubler l'ordre public. Leur projet politique peut être anti-démocratique et antirépublicain. Ces contre-projets de société peuvent être communautaires, autoritaires et inégalitaires».
Communautarisme, fake news et complotisme parmi les enjeux
Le texte détaille les enjeux parmi lesquels figurent, entre autres, la lutte «contre les replis communautaristes qui portent atteintes aux valeurs du pacte républicain et contre toute manifestation de séparatisme», «contre la désinformation, les théories complotistes, les rumeurs et les fake news sur le Covid-19 utilisées à des fins mercantiles et politiques» et l'accompagnement des personnels des établissements «face aux réactions de repli des élèves».
Une stigmatisation des musulmans selon des syndicats
Selon le syndicat minoritaire Sud-éducation, cette fiche vise «explicitement [...] les musulmans ou identifiés comme tels». «L'expression "séparatisme" employée par Emmanuel Macron [...] est bien sûr présente dans la fiche», relève le syndicat qui y voit un «acte de stigmatisation islamophobe».
Sur Twitter, le Syndicat national Force ouvrière des Lycées et des collèges a publié un communiqué. L'organisation souhaitant le ministre de l'Education nationale «retire cette fiche qui contrevient aux principes de la laïcité et de neutralité de l’école».
De son côté, la FSU, première fédération syndicale enseignante, a critiqué «une manière de cibler la radicalisation, [...] de dire les choses sans toujours les dire d'ailleurs». Son secrétaire général Benoît Teste déplore que l'«on pointe simplement la possibilité de dérive islamiste, mais on le dit presque à la fin de la fiche, et en catimini, mais en réalité on sait bien que c'est un peu ça qui est tout le temps en arrière-fond».
Evoquant un autre passage du texte sur les dérives sectaires et le complotisme, la FSU ne remet pas en cause la nécessité de lutter contre ces phénomènes, mais estime que la «formulation n'est pas acceptable». «Il y a une manière de dire [...] que toute critique du gouvernement pourrait s'apparenter à du complotisme, qui là est particulièrement inquiétante en termes d'esprit critique», conclut Benoît Teste.