«Organiser des manœuvres de l’OTAN, au 21ème siècle, sous le nez de Moscou, plus de 30 ans après la chute de l’URSS, comme si le Pacte de Varsovie existait encore, est une erreur politique, confinant à la provocation irresponsable. Y participer révèle un suivisme aveugle, signifiant une préoccupante perte de notre indépendance stratégique.» C’est par ces mots que débute la tribune rédigée par une dizaine de militaires du Cercle de réflexions interarmées, retirés du service, et publiée le 30 avril sur le site de nos confrères de Capital.
Dans leur texte, ces haut-gradés critiquent le vaste exercice militaire que l’OTAN s'apprête à mener en Europe. Baptisé «Europe Defender 2020», il devait rassembler en mai et juin, sur le Vieux continent, 37 000 soldats de 18 pays sur des terrains d'entraînement dont l'Allemagne, la Pologne et les Etats baltes. Cependant le 16 mars, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, le commandement des forces américaines en Europe annonçait avoir «modifié la taille et la portée de l’exercice», sans toutefois l’annuler.
D’après les signataires de la tribune, la volonté d’«aller gesticuler militairement aux ordres de Washington aux frontières de la Russie qui n’est depuis longtemps plus une menace militaire directe, traduit pour le moins une catalepsie intellectuelle, confinant à la perte de l’instinct de survie». «Le surgissement d’un fléau planétaire qui confine près de 4 milliards de Terriens […] pourrait contribuer à nous débarrasser des vieux réflexes de guerre froide. Faisant soudain peser une menace existentielle, ce fléau transfrontalier hiérarchise les priorités stratégiques, dévoile la futilité des anciennes routines et rappelle le poids de notre appartenance à l’ensemble eurasiatique, dont la Russie est le pivot ancestral», soulignent-il par ailleurs.
Les signataires du texte se défendent néanmoins de toute attitude «pro-russe», à l’instar de Jean-Claude Allard, membre du cercle de réflexions interarmées, interrogé par RT France ce 2 mai. «Je ne sais pas si ce cheminement nous mènera à être pro-russe […] Notre idée est de réexaminer s’il y a toujours lieu de maintenir cette tension [entre l’Occident et la Russie] et d’examiner comment nous pouvons, en tant que Français mais aussi qu’Européens, proposer un rééquilibrage entre les différentes puissances», a-t-il souligné.
«Que faire pour nous [la France] libérer de l’emprise américaine et initier un rapprochement avec Moscou ?», se demandent les militaires, soulignant que «le blocage politique antirusse de toutes les élites américaines confondues s’articule à l’obsession stratégique de perpétuer la raison d’être de l’OTAN, un des principaux adjuvants de la prévalence américaine après 1949».
«Il faut réexaminer notre relation avec la Russie […] mais également avec les Etats-Unis. Si les Etats-Unis veulent, comme parfois le président Trump l’a annoncé, eux aussi, retendre la main à la Russie alors les conséquences seront positives mais si les Etats-Unis restent réticents à vouloir construire quelque chose avec nous et avec la Russie alors elles seront négatives», conclut Jean-Claude Allard.