France

«Le roi est nu» : Michel Onfray tacle la gestion par Macron de la crise du coronavirus

Estimant qu'Emmanuel Macron est le «contraire d'un chef», le philosophe Michel Onfray décrypte la gestion par le gouvernement français de la crise du Covid-19. Selon lui, celle-ci révèle plus globalement les faillites du libéralisme et de Maastricht.

Le philosophe Michel Onfray s'est entretenu avec RT France, le 23 mars, sur les conséquences de la pandémie de Covid-19 qui touche la majeure partie du monde et paralyse notamment de nombreux pays occidentaux. Il décrypte, analyse et commente la gestion de la crise par le gouvernement français, tacle le président de la République Emmanuel Macron et insiste sur les effets néfastes et contre-productifs, selon lui, de l'idéologie capitaliste libérale.

«Ce n'est pas une surprise»

Face à l'issue incertaine de la pandémie de Covid-19, «le temps du confinement peut durer encore quelques semaines», a affirmé le 23 mars le Premier ministre Edouard Philippe, lors de son allocution sur TF1. «Beaucoup de nos concitoyens aimeraient retrouver le temps d'avant, le temps normal, mais il n'est pas pour demain», a-t-il ajouté.

«Ce n'est pas une surprise», réagit Michel Onfray. Et de continuer : «On voit bien que le président de la République navigue à vue. Qu'il godille, qu'il va et vient, c’est en même temps à droite et en même temps à gauche.» Pour le philosophe : «Il y avait une autre politique possible qui n'est pas celle qu'il a choisie, qui aurait été de confiner très vite et très tôt en faisant en sorte que des tests soient effectués sur des gens, individuellement, personnellement, massivement.»

Emmanuel Macron ne dispose pas d'un autre logiciel que le logiciel maastrichtien qui suppose que le marché doit faire la loi

Afin d'éclairer son propos sur la possibilité d'une politique alternative, l'essayiste français a pris pour exemple la gestion de la pandémie à Taïwan et en Allemagne. «Les Allemands sont à moins de 100 morts. C'est évidement beaucoup trop mais c'est quand même autre chose qui nous arrive à nous», observe-t-il.

Par ailleurs, l'autre politique possible, pour le philosophe, ne réside pas seulement, ni même principalement, dans les choix pris par chaque gouvernement pour enrayer la propagation de la pandémie. Elle consiste, en réalité, à changer totalement de paradigme et d'idéologie. «Il y avait donc une autre politique possible mais Emmanuel Macron ne dispose pas d'un autre logiciel que le logiciel maastrichtien qui suppose que le marché doit faire la loi», juge-t-il. Et de poursuivre : «Or, on s'aperçoit dans une configuration comme celle-ci, que le marché ne peut pas faire la loi.»

«Le roi est nu»

Emmanuel Macron serait-il seul responsable du manque d'anticipation de la crise par le gouvernement, pointé du doigt par certains observateurs ?

«Globalement, depuis que le général de Gaulle est parti en 1969, il y a une seule et même politique en France : c'est celle du libéralisme, du marché qui fait la loi. Et peu importe qu'on change de "paquet cadeau", vaguement la droite, vaguement la gauche. Mais au fond, on a des libéraux et des "maastrichtiens"», juge le philosophe.

De fait, puisqu'on ne fait plus de géopolitique, de géostratégie, de politique à proprement parler, on découvre que "le roi est nu"

Michel Onfray, qui voit dans l'actuel président de la République le «contraire d'un chef», admet néanmoins : «Bien sûr Emmanuel Macron n'est pas responsable de tout ça.» Toutefois, «il est responsable de s'inscrire dans un paysage qui est celui-ci, et qui fait effectivement qu'il n'y a pas de masques – et voilà pourquoi il dit que le masque ne sert à rien – il n'a pas non plus de tests – et voilà pourquoi il dit que les tests ne servent à rien», conjecture-t-il.

Le philosophe aurait apprécié qu'Emmanuel Macron joue la carte de la sincérité en admettant les erreurs inhérentes au libéralisme et à l'Union européenne (UE). Ainsi, pour Michel Onfray, le président aurait du dire : «Nous n'avons pas de masques parce que c'est l'impéritie de la France, qui n'existe plus depuis qu'elle est dans [l'Union européenne] ; nous n'avons pas de tests, parce que c'est l'impéritie de la France depuis qu'elle n’existe plus et qu'elle est diluée dans l'Europe fédérale, qui elle-même vise un grand état universel planétaire où le capital ferait la loi.»

Il poursuit : «De fait, puisqu'on ne fait plus de géopolitique, de géostratégie, de politique à proprement parler, on découvre que "le roi est nu". Quand il s'agit de pandémie, le libéralisme ne saurait faire la loi parce qu'on retrouve des vieilles choses telles que le souverainisme ou la fermeture des frontières», qui ne sont pas dans le logiciel libéral mais essentiels pour une meilleure gestion de crise pandémique.

Il est juste l'homme de paille du Capital, du capitalisme, du libéralisme, de l'argent, du Veau d'or…

Michel Onfray dirige ensuite sa critique sur la personne du président de la République française et sur ce qu'il représente. «[Emmanuel Macron] est un jeune homme qui est arrivé au pouvoir, qui n'avait pas 40 ans, qui avait avec lui l'Assemblée nationale et le Sénat, la totalité des journaux sauf deux ou trois titres, et qui a tout gâché parce qu'il ne sait pas faire de la politique. Il est juste l'homme de paille du Capital, du capitalisme, du libéralisme, de l'argent, du Veau d'or…», tranche-t-il.

L'essayiste ne se borne pas à la seule critique en profondeur de notre système capitaliste et de ses conséquences, mais apporte également son point de vue sur la méthode utilisée par d'autres gouvernements du monde, eux aussi confrontés à la crise du coronavirus. Ainsi, Michel Onfray insiste d'abord sur le fait que «tous ces gens que nous avons présentés comme illibéraux, des dictateurs, des résurgences d'Adolf Hitler font de la politique». Et de tempérer : «Pour autant, je ne souscris pas à cette politique. Seuls sont capables de conjurer ces choses [comme la pandémie de Covid-19] les gens capables de faire de la politique. Je ne veux pas défendre le gouvernement chinois. Je dis juste qu'en Chine, on a su gérer le problème. Je ne dis pas qu'il faut passer à une dictature, ce n'est pas mon propos.» «Quand les hommes politiques font de la politique, quand ils sont capables de décider, on est capable de souscrire au chef», conclut-il à ce sujet.

Enfin, le philosophe insiste sur les décisions à géométrie variable du gouvernement français. D'un côté, il souligne une forme d'hypocrisie du gouvernement qui, en ces temps d'austérité, trouve systématiquement de l'argent pour aider les entreprises en difficulté.

«On voit bien que d'un seul coup, toute l'économie s'effondre, mais que, globalement, on peut trouver de l’argent pour les entreprises, les artisans, les gens qui ne peuvent pas aller travailler», remarque-t-il.

«Lorsqu'un paysan se pendait tous les jours, ce n'est pas une question de vie ou de mort ? Quand les gens se jettent dans l'alcoolisme, dans la drogue et la dépression nerveuse ce n'est pas non plus une question de vie ou de mort parce qu'ils étaient chômeurs, précaires, etc. ? Ce sont des morts qu'on ne voit pas alors évidement il n'y a pas de problème. Mais le capitalisme fabrique des morts au quotidien. Là, d'un seul coup, on voit des cercueils donc effectivement, il y a une visibilité. Les gens ont besoin d’images pour penser, c’est assez problématique», conclut Michel Onfray.