Afin de lutter contre le coronavirus, l'Assemblée nationale a voté le 21 mars l'article clé sur l'état d'urgence sanitaire. Adopté à main levée après plusieurs heures d'échange, l'article prévoit que l'état d'urgence sanitaire, qui permet de restreindre des libertés publiques (confinement, réquisitions...), doit être instauré dès l'entrée en vigueur de la loi, et pour deux mois dans le cas du coronavirus.
A l'initiative du gouvernement, l'Assemblée est notamment revenue sur la rédaction du Sénat qui avait listé les catégories de mesures possibles dans le cadre de ce régime. Le ministre Marc Fesneau (Relations avec le Parlement) a mis en avant le côté «imprévisible» de la crise. Le texte permet ainsi au gouvernement «en tant que de besoin» de prendre des mesures «limitant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire».
Raphaël Schellenberger (LR) a prédit que cela «animerait» les discussions entre Assemblée et Sénat le 22 mars en vue d'un compromis, car cela offre un «pouvoir colossal au gouvernement». «Vous nous demandez là un effort considérable», a abondé Charles de Courson (Libertés et Territoires), tandis que Boris Vallaud (PS) s'est inquiété d'«un champ absolument infini de dérogations à l'état du droit», Alexis Corbière (LFI) le jugeant aussi «beaucoup trop large».
Coralie Dubost (LREM) a rappelé qu'il s'agissait de lutter contre un virus qui «prospère» plus vite que les débats au Parlement. Jean-Christophe Lagarde (UDI-Agir) a abondé, soulignant le caractère temporaire du régime.
Hors cas actuel du coronavirus, le texte prévoit un déclenchement de l'état d'urgence sanitaire par décret en Conseil des ministres pour un mois, la prorogation ne pouvant être autorisée que par la loi.
Plusieurs élus ont plaidé qu'il fallait un avis du conseil scientifique au préalable. Mais la rapporteure Marie Guévenoux (LREM), comme le ministre, ont d'abord estimé qu'il fallait éviter de telles «rigidités». Après une suspension de séance, le gouvernement a proposé un amendement de compromis indiquant que «les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques».
Même scénario sur le contrôle parlementaire que le gouvernement voulait restreindre par rapport à ce que le Sénat avait prévu. Après des critiques à droite comme à gauche sur un «mini-contrôle» et une nouvelle suspension de séance, le gouvernement a là encore proposé un nouvel amendement.
Assemblée et Sénat seront informés «sans délai» des mesures prises au titre de l'état d'urgence sanitaire, les deux chambres pouvant «requérir toute information complémentaire» dans le cadre du contrôle.
Violation du confinement : 1 500 euros en cas de récidive, voire de la prison
A la fin des débats sur l'article, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a présenté un amendement prévoyant que la violation répétée des règles du confinement constitue un délit puni de six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Plusieurs élus l'ont jugé disproportionné, voire «invraisemblable» (LR) ou de communication (LFI).
Après une nouvelle suspension de séance, la garde des Sceaux a présenté une formule «graduée» plus consensuelle : une amende de 135 euros en cas de violation des règles, 1 500 euros en cas de récidive «dans les 15 jours» et dans le cas de «quatre violations dans les trente jours» un délit «puni de 3 700 euros d'amende et six mois de prison au maximum».