L’examen de la réforme des retraites par le Parlement, article par article, commence ce lundi 3 février, en commission spéciale à l’Assemblée nationale où doivent se succéder le secrétaire d'Etat Laurent Pietraszewski et la ministre des Solidarités Agnès Buzyn.
Quelque 22 000 amendements – un record sous cette législature – ont été déposés sur ce projet contesté visant à créer un «système universel» de retraite par points. Les 17 députés de la France insoumise (LFI) , qui assument leur «obstruction» selon leur chef de file Jean-Luc Mélenchon, en ont déposé à eux seuls environ 19 000.
Cela devrait gripper les travaux de la commission spéciale de 71 députés, qui risque de ne pas parvenir à achever l'examen des 65 articles du projet de loi ordinaire et les cinq du projet de loi organique, avant leur arrivée dans l'hémicycle le 17 février.
«C'est du ZADisme législatif», s’est indigné le co-rapporteur Olivier Véran, député de La République en marche (LREM) cité par l’AFP. La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a elle déclaré dans la matinée sur France 2 : «Je ne suis pas tellement certaine que ça honore la démocratie.»
Menace d'un «49-3 de dissuasion»
Pour Richard Ferrand (LREM, ex-PS), interviewé par le quotidien Le Parisien c'est «la réforme la plus à gauche du quinquennat». Quant au président du groupe MoDem, Patrick Mignola, il suggère de brandir un «49-3 de dissuasion», un outil constitutionnel permettant d'éviter les débats et d'adopter le texte sans vote.
Mais le ministre des relations avec le Parlement, Marc Fesneau, également membre du MoDem, dit ne pas vouloir de «coercition» selon l’AFP. Et le président du Sénat Gérard Larcher (LR) déconseille au gouvernement le 49-3 car selon lui, «ça finit toujours mal».
Outre le fond de la réforme, les oppositions critiquent la forme : un texte qui prévoit 29 ordonnances et constituerait un «mépris» du Parlement. L'avis du Conseil d'Etat qui a pointé des projections financières «lacunaires» est un des arguments repris par les parlementaires qui s’opposent à la réforme.
Les trois groupes de gauche (PS, PCF et LFI) se tiennent prêts à utiliser tous les outils, dont une motion de censure commune contre le gouvernement, mi-février ou, comme le souhaitent les socialistes au bout des débats, en principe fin février.
Le PS compte sur les élections municipales
«Si les choses ne bougent pas au Parlement», le numéro un du PS Olivier Faure, cité par l’AFP espère que lors des municipales de mars les Français exprimeront «leur ras-le-bol et que le gouvernement sera obligé de lâcher».
A l'autre bord de l'hémicycle, pas d'obstruction mais un millier d'amendements LR pour la commission. «Notre stratégie est d'incarner une troisième voie entre le gouvernement et celles et ceux dans le blocage», avance le président du groupe Damien Abad.
Les députés RN emmenés par Marine Le Pen ont eux des dizaines d'amendements de suppression d'articles et pourraient se rallier à la motion de censure, ce qui fait débat à gauche.
Les partenaires sociaux vont poursuivre jusqu'en avril les travaux de la conférence chargée par le gouvernement de faire des propositions pour amener le système de retraite à l'équilibre financier d'ici 2027.
Entre-temps, le mouvement social doit se poursuivre et de nouvelles manifestations interprofessionnelles pour demander le retrait du projet sont annoncées pour le jeudi 6 février. L'adoption définitive de la réforme est programmée avant l'été.
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