France

Quand les diplomates franchissent la ligne jaune... et rentrent tranquillement chez eux

A l'image de ce diplomate saoudien rentré chez lui malgré des accusations de viols en Inde, les diplomates ont souvent profité de leur immunité pour échapper à des poursuites, malgré des délits graves.

Ce mercredi, le haut-dignitaire saoudien accusé de viols sur deux de ses employés de maison a pu quitter l'Inde. Sans aucune poursuite, en vertu de son immunité diplomatique. Pourtant, les faits reprochés à ce diplomate saoudien étaient extrêmement sérieux. Il a ainsi été accusé par les autorités indiennes de «viol, sodomie et séquestration» sur deux Népalaises de 50 et 30 ans.

Mais jamais les policiers n'ont pu interroger Majid Hanssan Achour, protégé par la convention de Vienne sur l'immunité diplomatique. Et ce n'est pas la première fois qu'un diplomate, ou un membre de sa famille, échappe ainsi à des poursuites malgré des faits extrêmement sérieux. En France, plusieurs exemples ont marqué ces dernières années.

Un prince saoudien a aussi fait parler de lui en France

Le 7 août 2009, Marie, une jeune cannoise circule en centre-ville, tranquillement. Elle voit alors débouler à toute vitesse une Porsche jaune. Sa petite citadine est percutée à grande vitesse, est projetée sur le bas côté, perd une roue. Le choc est très violent, mais la jeune femme est indemne. Quand elle sort de sa voiture pour aller prendre contact avec le chauffard, elle est stoppée par une barrière de gardes du corps qui déboulent d'un 4x4. Finalement, le chauffard est exfiltré discrètement et emmené à l'hôpital. Prince saoudien, il ne sera même pas entendu pas les policiers, immunité diplomatique oblige. Après des mois de tensions diplomatiques, un procès a finalement eu lieu, en l'absence du prévenu : il a été condamné à 6 mois avec sursis.

Des accidents mortel impunis

Drame de la route là aussi, mais aux conséquences bien plus sérieuses. En 1996, deux adolescents sont renversés à Menton. Les deux jeunes, âgés de 12 et 13 ans, sont tués sur le coup par une voiture qui roule à toute vitesse. Derrière le volant, Ramazini Baya, diplomate zaïrien qui circulait à 120 kilomètres/heure au lieu des 45 autorisés. Interpellé, l'homme ne passera que quelques minutes au commissariat. Il ressortira libre après avoir fait jouer la carte de l'immunité diplomatique. Deux jours après l'accident, Ramazini Baya sera rappelé par son ambassade et retournera au Zaïre.

En 2002, affaire similaire. Un chauffeur de l'ambassade de Mongolie prend l'autoroute A2 à contresens. Il est ivre et effectue un demi-tour en pleine voie. Quelques minutes plus tard, il percute une automobiliste belge de 19 ans qui perd la vie dans l'accident. Il avait pris la fuite juste après l'accident, avant d'être finalement interpellé par la police quelques heures plus tard. Mais là aussi, après quelques heures au poste, il sera relâché en raison de son immunité diplomatique.

Le fils Kadhafi, un habitué de l'immunité diplomatique

Les enfants de Mouammar Kadhafi ont souvent fait parler d'eux. Le plus célèbre pour ses frasques est sans aucun doute Hannibal. En 2004, le cinquième des fils Kadhafi, roule à 140 sur les Champs-Elysées, le tout à contre-sens et en brûlant plusieurs feux rouges. Suite à ce délit routier, il envoie ses gardes du corps se battre contre les policiers qui tentent de l'interpeller. Il ne sera jamais poursuivi. Pas plus qu'en 2007, lorsqu'il est impliqué dans un réseau de call-girls sur la Côte-d'Azur. Mais il n'y a pas qu'en France qu'Hannibal Kadhafi a fait parler de lui.

A Rome, en 2001, il envoie trois policiers à l'hôpital après une bagarre en discothèque. Il blessera aussi six photographes deux ans plus tard. A chaque fois, il fait jouer son immunité diplomatique. Même résultat à Londres en 2008, lorsqu'il invoque l'immunité diplomatique pour éviter une intervention policière dans un hôtel de Londres, alors qu'il vient de frapper sa femme. Deux de ses gardes du corps seront brièvement arrêtés.

La Suisse, elle, n'a pas voulu laisser Hannibal Kadhafi s'en sortir à si bon compte quand, en 2008, il est arrêté pour mauvais traitements sur deux employées de maison. Il sera placé en détention préventive, ce qui entraînera un sérieux incident diplomatique entre la Libye et la Suisse. En rétorsion, deux Suisses seront pris en otage en Libye. Ils seront libérés après l'abandon des plaintes.

Un diplomate suisse oblige la police française à lui tirer dessus

Si la Suisse n'a pas hésité à risquer un incident diplomatique, ses envoyés aussi, peuvent franchir les limites. Ivre et au volant, Stéfan Flückiger, l'ambassadeur suisse auprès de l'Organisation de la Sécurité et de la Coopération en Europe (OSCE) prend une rue à contre-sens. A toute vitesse.

Il prend la fuite à la vue des policiers, qui ouvriront le feu sur son véhicule alors qu'il leur fonçait dessus. Rapidement relâché après son interpellation, il sera finalement rappelé en Suisse quelques mois plus tard, en ayant échappé aux poursuites.

Un fils de diplomate relâché malgré des agressions sexuelles

En juin 2014, un adolescent de 14 ans est interpellé dans les Yvelines pour plusieurs agressions sexuelles. Cinq jeunes filles sont victimes. Pourtant, après quelques heures au commissariat, l'adolescent est relâché sur ordre du parquet. Son père exerce en effet à l'ambassade du Congo à Paris, et le mineur jouit donc de l'immunité diplomatique. Le lendemain, le jeune homme récidive. Le ministère des Affaires étrangères interviendra dans l'affaire, exigeant la levée de l'immunité diplomatique de l'adolescent. Sans résultat, même si son père s'est présenté au commissariat. Le jeune homme a depuis été renvoyé au Congo par sa famille.

Les diplomates français pas exempts de reproches

De nombreux Indiens se sont scandalisés, en 2012, de la libération d'un diplomate français soupçonné de viols sur sa fille de 3 ans. C'est sa femme, indienne, qui avait déposé plainte. Tout d'abord placé en détention, l'homme avait été libéré grâce à son immunité diplomatique. Ce qui avait entraîné des manifestations devant le consulat de France. Finalement, la France a décidé de lever l'immunité diplomatique de cet homme, qui sera poursuivi en Inde.