Un policier des compagnies républicaines de sécurité qui avait asséné deux gifles à un manifestant venu au défilé du 1er Mai à Paris a été condamné le 19 décembre à quatre mois de prison avec sursis par la chambre correctionnelle du TGI de Paris.
Le parquet avait requis cinq mois de prison avec sursis contre ce membre des forces de l'ordre, jugeant son geste «ni nécessaire, ni proportionné et parfaitement illégitime». Le policier devra verser également 1 000 euros au manifestant au titre des dommages et intérêts. Le tribunal correctionnel a cependant accordé que la condamnation ne soit pas inscrite au casier judiciaire du fonctionnaire afin qu'il puisse continuer d'exercer.
Dans une vidéo, diffusée le 19 décembre à l'audience, on entend d'abord des insultes proférées par le membre des CRS : «Casse-toi connard». Le policier affirme avoir donné deux gifles après avoir entendu: «Sac à merde», puis «Casse-toi, toi». Le manifestant nie avoir prononcé les mots «sac à merde». On voit le policier gifler le manifestant, dont la mère cherche à s'interposer.
Dans ses derniers mots au tribunal, le prévenu a présenté ses excuses au manifestant : «J'ai admis avoir commis une erreur. Je vous présente sincèrement mes excuses, je n'ai jamais eu l'intention de vous blesser et ou de vous humilier.»
Nous sommes globalement déçus car nous trouvons la peine assez sévère
L’avocat du prévenu, Jérôme Andrei, interviewé par RT France, se désole de la peine prononcée. «Nous reconnaissions le caractère illégitime de la gifle et la culpabilité de mon client», a-t-il expliqué, «Mais nous sommes globalement déçus car nous trouvons la peine assez sévère : de la prison, même avec sursis, pour un policier». Selon lui, parmi les dossiers pour violences illégitimes, celui de son client était un des moins lourds. «Les violences en question étaient le moins graves, impressionnantes certes, et choquantes à travers les images de la vidéo, mais d’une gravité relative malgré tout», a-t-il estimé. «Il y a une vraie méconnaissance des règles et des pratiques en terme de maintien de l’ordre. Quoi qu’on en pense et quoi qu’on puisse dire, les policiers essaient de préserver un maximum les manifestant et de canaliser les casseurs et les black blocs qui sont ceux qui font dégénérer les manifestations depuis plus d’un an», a-t-il conclu.
Calendrier judiciaire : un autre CRS jugé le même jour pour des violences également survenues le 1er Mai
Ce jugement a été rendu le même jour que celui concernant un autre membre des Compagnies républicaines de sécurité (CRS) qui avait reconnu avoir jeté un pavé ce même 1er mai 2019, après que des vidéos le montrant effectuer ce lancer étaient devenues virales sur Internet.
Le policier avait expliqué qu'il s'agissait d'un geste de repli visant à lui permettre de se dégager, alors que lui-même et un collègue blessé par un autre pavé se trouvaient en mauvaise posture. Le pavé lancé par ce CRS âgé de 44 ans n'ayant pas fait de victime, il a écopé de deux mois de prison avec sursis. Il était poursuivi pour «violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique n'ayant pas entraîné d'incapacité». La défense avait demandé que la condamnation ne soit pas inscrite au dossier pour que le policier puisse continuer d'exercer. La procureure, lors de l'audience du 21 novembre, ne s'était pas opposée à cette idée et avait déclaré laisser ce point à l'appréciation du président du tribunal. Cette requête a été acceptée.
Les vrais dossiers emblématiques où des gens ont été mutilés alors qu'ils étaient innocents ne sont pas au tribunal
Interrogé à ce sujet sur le plateau de RT France le 19 décembre, le secrétaire général du syndicat ViGi-Police, Alexandre Langlois, a dénoncé un «deux poids, deux mesures» : «Nous avons plein d'événements avec des mutilés, là il n'y a pas de procès, d'ailleurs pendant le procès de notre collègue à la barre, il y a eu un grand absent, c'est la hiérarchie policière [...] Les gens qui mettent les policiers dans cette situation d'épuisement, qui les poussent à la faute professionnelle, n'étaient pas à la barre. Et toutes les autres histoires où la hiérarchie pourrait être mise directement en cause pour des manques de formation ou pour avoir couvert des agissements délictuels, ces affaires-là ne passent pas au tribunal. Donc on a l'impression d'un deux poids, deux mesures : les vrais dossiers emblématiques où des gens ont été mutilés alors qu'ils étaient innocents ne sont pas au tribunal et un collègue qui finalement n'a blessé personne, c'est un exemple, en espérant que ça calme l'opinion publique. Ce n'est pas du tout comme ça que doit fonctionner la justice en France.»
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