A l'issue de la réunion multilatérale qui s'est tenue le 19 décembre à Matignon avec la plupart des syndicats, Edouard Philippe a annoncé qu'il réunirait à nouveau les partenaires sociaux dans «les premiers jours de janvier» pour discuter du projet de réforme des retraites. Dans cette déclaration, il a affirmé vouloir proposer, mi-janvier, «une méthode» qui permettrait de parvenir à un accord. Le Premier ministre a par exemple promis qu'il y avait encore la possibilité de «marges de manœuvre» sur l'âge d'équilibre qu'il souhaite introduire dès 2022, afin d'inciter à travailler plus longtemps.
Si Edouard Philippe a estimé que «les discussions de ces derniers jours [avaient] permis des avancées concrètes», il a en outre confirmé que le gouvernement ne reviendrait pas sur la suppression des régimes spéciaux. Après avoir rencontré le chef du gouvernement le même jour, la CGT-Cheminots et SUD-Rail, 1er et 3e syndicats à la SNCF, ont appelé à continuer la grève contre la réforme des retraites. «La grève continue [et] deux actions sont programmées : le Noël des grévistes et des rassemblements le 28 décembre», a ainsi annoncé à l'AFP Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots, dont l'organisation représente environ un tiers des conducteurs de train et plus de 40% des contrôleurs. «Une multitude d'actions locales seront également menées avec les grévistes présents», a-t-il ajouté.
SUD-Rail «va entretenir le mouvement avant les temps forts de la rentrée», a déclaré à l'AFP Erik Meyer, secrétaire fédéral, dont l'organisation représente environ un tiers des conducteurs de train et plus de 25% des contrôleurs.
En revanche, l'Unsa ferroviaire, 2e syndicat et centriste, «appelle à une pause pour les vacances scolaires». Cette pause est décidée «pour les vacances scolaires», a précisé à l'AFP Didier Mathis, secrétaire général de l'Unsa ferroviaire, qui représente 7,5% des conducteurs et contrôleurs. «Sur les transactions sectorielles, on a eu la confirmation d'une garantie offerte sur le contrat social et moral du secteur des transports publics», a expliqué le secrétaire général de l'Unsa Laurent Escure. «Le bureau fédéral de l'Unsa ferroviaire a décidé de prendre acte de ces avancées et d'appeler [...] à une pause à la SNCF du mouvement», a-t-il poursuivi, en ajoutant qu'«à la RATP il y a un dialogue entre la direction et les agents».
Lui aussi centriste, la CFDT-Cheminots, 4e syndicat, «consultera ses instances vendredi matin [20 décembre]» pour prendre une décision, a déclaré son secrétaire général adjoint, Rémi Aufrère-Privel, dont l'organisation représente plus de 18% des conducteurs de train et plus de 12% des contrôleurs.
Le Premier ministre Edouard Philippe a de son côté «appelé à la responsabilité de chacun pour permettre aux millions de Français qui le souhaitent de rejoindre leurs familles en cette fin d'année».
La majorité des syndicats annonce une action le 9 janvier, quand la CFDT «sent une ouverture» de la part du gouvernement
«La CGT évidemment ne partage pas ce projet, donc au nom de l'intersyndicale (CGT, FO, CFE-CGC, Solidaires, FSU), je peux vous annoncer qu'une prochaine journée interprofessionnelle d'action aura lieu le 9 janvier prochain», a par ailleurs averti le dirigeant de la CGT Philippe Martinez, lors d'un point presse.
Laurent Berger, le patron de la CFDT qui est, elle, favorable à un système universel par points, a «senti une ouverture» de la part d'Edouard Philippe, mais a constaté la persistance d'«un point dur» : «la recherche de l'équilibre à court terme» à travers un âge pivot à 64 ans assorti d'un bonus-malus pour inciter à travailler plus longtemps, auquel son syndicat est fermement opposé. Il a évoqué de nouvelles réunions début janvier avec le gouvernement et précisé qu'il n'appelait pas à la journée de mobilisation interprofessionnelle du 9.
Les grèves se poursuivent, les Français toujours opposés à la réforme
Une course contre la montre se joue également en parallèle, Edouard Philippe ne renonçant pas à proposer la version finale de la réforme en Conseil des ministres le 22 janvier. Pourtant, les Français semblent toujours opposés au projet macroniste. Selon un sondage Ifop pour CNews et Sud Radio publié le 19 décembre, plus de six Français sur dix (61%) n'approuvent pas de fait la création d'un âge d'équilibre à 64 ans.
«Le Premier ministre refuse d'entendre la colère du pays. Il s'acharne et s'entête à bloquer le pays», a réagi sur Twitter Fabien Roussel (PCF).
Jean-Luc Mélenchon a fustigé «la stratégie du pourrissement» du Premier ministre. «Il ne lâche rien, le pays non plus», a-t-il tweeté.
Le 19 décembre fut aussi la démonstration de la mobilisation toujours importante des grévistes. Après la journée interprofessionnelle du 17, plusieurs cortèges avaient ainsi à nouveau été organisés dans toute la France. A Rouen, 1 100 personnes selon la police, 3 000 pour la CGT ont défilé. «On ne veut pas être esclave. On ne négociera pas sur le poids des chaînes et du boulet. Il n'y aura pas de trêve ! On lâchera rien !», a notamment déclaré auprès de l'AFP Fabrice Lerestif, secrétaire FO 35, au départ de la manifestation rennaise, qui a réuni 1 300 à 2 000 personnes selon les sources. Un millier de personnes ont défilé à Marseille, selon la préfecture de police. A Paris, près de 1 300 selon la préfecture de police ont défilé dans le calme entre la gare de Lyon et la gare de l'Est.
La journée a aussi été marquée par des coupures d'électricité en série. Le gestionnaire du réseau de distribution Enedis a dénoncé des «actes de malveillance», qui ont affecté jusqu'à 18 000 foyers dans les Pyrénées-Orientales et l'Aude. D'autres coupures d'électricité ont été relevées, notamment dans le centre commercial de Plan de Campagne, près de Marseille. Ces actions, qu'Edouard Philippe a condamnées «avec la plus grande fermeté», se sont multipliées ces derniers jours, et certaines ont été revendiquées par la CGT.
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