La réouverture partielle de l'usine Lubrizol à Rouen a reçu le 13 décembre le feu vert du préfet de Seine-Maritime, malgré de vives contestations, moins de trois mois après l'incendie qui a touché le site Seveso. Le préfet de la Seine-maritime, Pierre-André Durand, a signé l'arrêté de réouverture dans l'après-midi, a-t-il annoncé dans un communiqué.
«Il s’agit d’une réouverture partielle, limitée à deux petites unités de mélange et de solubilisation, n’impliquant pas de réaction chimique, et occupant une superficie de 3 hectares sur les 14 hectares du site non impactés par le sinistre», a assuré la préfecture dans ce communiqué. «Cette décision devrait permettre à Lubrizol de freiner l’hémorragie économique et, ainsi, sauvegarder une partie des 2 200 emplois directs, indirects et induits qui dépendent du site», s'est félicité Frédéric Henry, président de Lubrizol France, cité dans un communiqué.
Un démarrage est possible dès ce 14 décembre au matin «puisque nous avons des équipes 24/24», dès lors que la société aura reçu l'arrêté préfectoral, a indiqué de son côté à l'AFP Isabelle Striga, directrice générale de Lubrizol France. Il sera toutefois progressif. «On attend l'arrêté. Dès lors que l'arrêté nous est transmis, on va pouvoir acheminer les matières premières dont on a besoin» ce qui peut prendre plusieurs jours, a souligné la chef d'entreprise.
«Mépris à l'égard de la population»
«Cette réouverture est précipitée, préméditée et tout à fait dangereuse», a pourtant estimé Jacky Bonnemains, représentant de l'association Robin des bois au comité, interrogé par l'AFP. Le stockage des produits va être sous-traité à trois sociétés. «Il a été dit que ces entreprises seraient surveillées de très près mais ça va être difficile de surveiller qu'elles ne surstockent pas», a-t-il estimé.
En attendant, Lubrizol reprend des activités «alors que la mise en sécurité des fûts dangereux endommagés pendant l'incendie n'est pas terminée», déplore l'association. Selon le préfet, «il reste 900 fûts à évacuer», dont environ «70 présentant une certaine sensibilité». «Tous sont traités par robot dans un espace de confinement dédié», a souligné Pierre-André Durand.
Le 10 décembre, le comité départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) a émis un avis largement positif à cette réouverture. Mais la Métropole de Rouen, l'Union régionale des médecins libéraux, UFC-Que choisir, et France nature environnement (FNE) ont voté contre. Onze élus locaux ont dans un communiqué dit leur opposition à ce redémarrage, dont le député PS Christophe Bouillon qui préside la mission de l'Assemblée nationale sur l'incendie et Charlotte Goujon, la maire PS de Petit-Quevilly qui jouxte l'usine. Et l'édile ne semble pas rassurée. La réouverture partielle intervient «alors que certaines prescriptions de l'Etat sur le site ne sont pas respectées», a-t-elle déploré. «Il y a des prescriptions à réaliser mais qui portent sur le reste du site», et donc pas sur les unités qui vont rouvrir, a répondu le préfet interrogé sur ce sujet.
Mais il peine à convaincre. «C'est l'intérêt des industriels qui prime, une nouvelle marque de mépris à l'égard de la population. On va attaquer cette décision», a réagi de son côté David Cormand, député européen EELV et élu de Rouen interrogé par l'AFP.
Tenant à rassurer, le préfet a insisté sur «l'ampleur des dispositifs anti-incendie imposés qui vont très au-delà de la réglementation». L'incendie de milliers de tonnes de produits chimiques le 26 septembre avait provoqué un panache de fumée noire de 22 km de long et entraîné une très forte inquiétude au sein de la population.
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