Après les Etats-Unis et le Royaume-Uni, la France fait référence à son tour l'article 51 de la charte des Nations Unies pour s'arroger le droit de frapper sur le sol syrien.
«Dès lors qu'il est avéré qu'à partir du territoire syrien, qui n'est pas entièrement contrôlé par le gouvernement syrien (...) des forces de Daesh menacent des intérêts français, à la fois à l'extérieur et en France, nous sommes parfaitement légitimes à nous défendre» a expliqué Laurent Fabius, le ministère des Affaires étrangères, devant des étudiants mercredi soir.
Ce droit à la légitime défense est le même argument qu'a développé mardi à Londres le Premier ministre David Cameron devant son Parlement pour justifier l'élimination par drone de deux ressortissants britanniques, qui étaient en train de préparer des attentats contre le pays. «Nous devons nous faire aucune illusion. Leur intention était bien d'assassiner des citoyens britanniques» avait insisté David Cameron devant la Chambre des Communes
C'est également derrière l'article 51 que s'était abritée l'administration américaine pour justifier l'assassinat, dans des raids aériens, de trois ressortissants américains vivant au Yémen, soupçonnés d'avoir rejoint les rangs d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). Le grand-père de deux de ces jeunes avait intenté une action en justice aux Etats-Unis, mais a été débouté en juin 2014 par un juge fédéral. D'ailleurs, pour Pierre Bayle, le porte-parole du ministère français de la Défense, «c'est le même cadre qui a justifié notre intervention en Irak. C'est donc bien une forme de prolongation de l'opération Chammal» qui prévoit des raids aériens français contre les positions de Daesh en Irak.
Des ONG embarrassées...
Une nouvelle forme de «guerre» qui embarrasse les associations de défense des droits de l'Homme, qui peinent à condamner clairement ces raids meurtriers contre des djihadistes multipliant les massacres -postés ensuite sur le web- et revendiquant ouvertement leurs intentions terroristes dans les pays occidentaux.
«Nous même n'avons pas encore résolu la question entre nous, nous en discutons... C'est très délicat» a répondu à l'AFP un haut responsable d'une ONG de défense des droits humains en demandant l'anonymat avant de poursuivre «à titre personnel, je peux juste dire que si on est bien dans le cadre d'une guerre, alors je ne pense pas que les conventions de Genève interdisent de s'en prendre à des personnes qui certes ne portent pas d'uniforme mais qui appartiennent à des groupes qui exercent une violence en termes militaires».
Dans un tribune publiée dans le quotidien Guardian, l'expert britannique en affaires légales Joshua Rozenberg, a écrit : «Si Khan (l'un des djihadistes anglais tués le 21 août) s'était caché dans un village ou une maison, il aurait été disproportionné de bombarder les lieux. Mais attaquer un véhicule transportant des combattants de Daesh peut être considéré par beaucoup comme une réponse proportionnée».
Néanmoins pour Aisling Reidy, conseillère juridique de l'ONG Human Rights Watch, «invoquer le droit à la légitime défense ne donne pas au gouvernement français un chèque en blanc pour mener des assassinats ciblés sous couvert de sécurité nationale» . «Il devra publier les preuves d'une menace directe et imminente (...) faute de quoi invoquer la charte de l'ONU ne lui donnera pas le droit de tuer» a conclu cette experte. Même son de cloche au Royaume-Uni où après le raid du 21 août, l'opposition insiste pour avoir un droit de regard sur les éléments ayant conduit à la prise d'une telle décision.