«Le souverainisme n’est que le nouveau nom de l’antisémitisme» : c'est ainsi que débute le tweet promotionnel publié le 4 octobre par Jacques Attali afin d'inviter les internautes à cliquer sur son nouveau texte, intitulé «Derrière le souverainisme, se cache trop souvent la haine des musulmans». «Les juifs et les musulmans, menacés tous les deux par lui [le souverainisme], doivent s’unir face aux fantasmes du grand remplacement», ajoute-t-il dans le tweet, comparant ainsi les défenseurs du souverainisme aux partisans de la théorie du «grand remplacement».
Il suffit pourtant d'ouvrir un dictionnaire Larousse pour découvrir la définition du souverainisme : «Doctrine des défenseurs de l'exercice de la souveraineté nationale en Europe.» D'aucuns rajouteraient à la souveraineté nationale la défense de la souveraineté populaire, mais il s'agit là d'un débat philosophique qui ne saurait remettre en cause la définition proposée par le Larousse. Le titre premier de la Constitution française se nomme d'ailleurs : «De la souveraineté.» Plus généralement, ceux qui se revendiquent souverainistes en France, à gauche comme à droite, reprennent la conception philosophique, venue du Québec, en revendiquant un problème démocratique en France du fait de l'imposition de normes et d'une supranationalité par l'Union européenne. Ils expriment globalement une critique virulente du libre-échange et du libéralisme économique, imposés selon eux par l'UE. Pour Jacques Attali – ami de longue date d'Emmanuel Macron – les tenants du souverainisme seraient en premier lieu des antimusulmans et des xénophobes. Il dénonce de fait «les discours délirants, d’Eric Zemmour, de William Goldnagel [qui se nomme en réalité Gilles-William Goldnadel], ou même, dans de trop nombreuses de ses déclarations, d’Alain Finkielkraut». Les trois personnalités citées sont d'origine juive. Elles seraient malgré tout, d'après Jacques Attali, des partisans de l'antisémitisme et, par voie de conséquence, du souverainisme. Fait cocasse, l'avocat Gilles-William Goldnadel, par exemple, est un libéral revendiqué, pas certain donc qu'il se définisse lui-même comme un «souverainiste»...
«Imposture», «contrefacteur» : le texte de Jacques Attali fait réagir
Celui-ci a d'ailleurs réagi sur Twitter, après l'accusation de Jacques Attali : «Tellement ravi de faire partie du top three avec Zemmour et Finkielkraut de la liste des honnis du contrefacteur Attali. Celui qui ferma les yeux par courtisanerie aux complaisances de Mitterrand pour Bousquet, l’organisateur de la déportation des petits juifs français.»
Sur les réseaux sociaux, des internautes ont également été scandalisés par le texte de Jacques Attali. L'ancien membre de La France insoumise et actuel président de République souveraine, Djordje Kuzmanovic, y voit une «imposture» et donne sa conception du souverainisme en France : «Le souverainisme c'est défendre l'intérêt du peuple, la démocratie, l'Etat et la République une et indivisible, sociale et laïque, que les banques et les multinationales, dont vous êtes un des ardents serviteurs, ne cessent de détruire.»
L'association d’étudiants de Sciences Po Paris «Critique de la raison européenne» constate de son côté : «Jacques Attali nous démontre la profondeur de sa pensée en un tweet. Donc si vous souhaitez restaurer la démocratie et osez critiquer l'Union européenne, c'est que vous êtes pour les chambres à gaz. Imparable !»
Le président des Patriotes, Florian Philippot, ironise : «Mince j’ignorais que la Constitution française, qui exige théoriquement la défense de la souveraineté nationale, était antisémite.»
Le timing de publication du pamphlet de Jacques Attali, relayé dans Les Echos, n'est sûrement pas le fruit du hasard, quelques jours après la Convention de la droite, réunissant plusieurs personnalités de droite dont Marion Maréchal. Dans sa diatribe, l'essayiste oublie cependant que des défenseurs du souverainisme, donc de la souveraineté nationale, se situent également à gauche de l'échiquier politique, à l'instar de Jean-Pierre Chevènement ou de Jean-Luc Mélenchon. C'est enfin faire fi du fait que des personnalités musulmanes, bien que critiques de l'islamisme et de l’obscurantisme religieux, revendiquent être des promoteurs du souverainisme, à l'instar de Fatiha Agag-Boudjahlat par exemple.
BG
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