France

Violation du secret : l'ex-garde des Sceaux Urvoas condamné par la Cour de Justice de la République

Ministre de la Justice sous François Hollande, Jean-Jacques Urvoas a été condamné à minima par la Cour de justice de la République pour violation du secret professionnel. Il devient le premier garde des Sceaux condamné par la CJR.

La peine est légère, quand il risquait «sur le papier un an ferme et 15 000 euros d’amende», selon LibérationEt pourtant, Jean-Jacques Urvoas devient ce 30 septembre le premier ministre de la Justice condamné par la Cour de justice de la République. Il a en effet écopé d'un mois de prison avec sursis et de 5 000 euros d'amende pour violation du secret professionnel.

L'accusation avait requis un an de prison avec sursis contre Jean-Jacques Urvoas, 60 ans, pour avoir transmis au député Thierry Solère des éléments de l'enquête qui le visait. 

«Si le ministre de la Justice n'est plus tenu au secret de l'enquête et de l'instruction, il n'en n'est pas moins tenu au respect du secret qu'impose la nature des informations qui lui sont transmises, en raison de sa fonction», affirme la CJR dans ses motivations, lues à l'audience.

L'ancien ministre socialiste était jugé pour avoir transmis les 4 et 5 mai 2017 au député LR (devenu LREM) Thierry Solère des éléments de l'enquête qui le visait pour fraude fiscale et trafic d'influence, via la messagerie cryptée Telegram.

Jean-Jacques Urvoas n'a jamais nié la matérialité des faits, mais contestait que les documents transmis soient couverts par un quelconque secret.

Au contraire, la CJR estime que les éléments d'enquête ne perdent pas leur caractère secret «du seul fait que ces informations ont été reformulées» par les services du ministère. Elle relève par ailleurs que les fiches transmises au ministre concernant Thierry Solère étaient précises, «tant sur les faits [...] que sur les qualifications pénales susceptibles d'être retenues».

Jean-Jacques Urvoas était le huitième ministre à comparaître devant la CJR, seule juridiction habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions.

Les décisions de la CJR, composée de 12 parlementaires et trois magistrats, ne sont pas susceptibles d'appel. Toutefois, Jean-Jacques Urvoas a cinq jours pour former un éventuel pourvoi en cassation.

Avant Jean-Jacques Urvoas, sur les sept personnes jugées par la CJR depuis 1999, trois ont été relaxées, deux condamnées à des peines de sursis et deux ont été déclarées coupables mais dispensées de peine, dont la dernière en date est l'ancienne patronne du FMI Christine Lagarde.

Le procureur général avait mis en garde contre une relaxe qui «signerait la fin du ministère public à la française», car «s'il n'y a plus de secret partagé, il n'y plus de confiance», condition indispensable à toute «remontée d'informations» entre les parquets et le garde des Sceaux, au sommet de la chaîne hiérarchique.

La CJR a justifié sa clémence, relativement aux réquisitions, par deux points. D'une part, elle a fait valoir que la divulgation des éléments d'enquête «n'avait pas eu d'effet sur le déroulement des investigations». Et d'autre part, le fait que les débats n'avaient «pas permis de connaître l'objectif réellement poursuivi par Urvoas en communiquant ces informations» à Thierry Solère, un adversaire politique, entre les deux tours d'une présidentielle qui allait bouleverser le paysage politique français.

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