L'inquiétude ne retombe pas à Rouen après le gigantesque incendie à l'usine Lubrizol le 26 septembre. Notre reporter, Katia Pecnik, présente sur place, fait état d'un air irrespirable à proximité de l'usine. «Même à plusieurs centaines de mètres, il y a une forte odeur d'essence brûlée», rapporte-t-elle. De nombreux internautes ont publié sur les réseaux sociaux des images surréalistes montrant une pluie noire et de l'essence sur les routes et à l'intérieur des cours des maisons.
Des galettes d'hydrocarbures sont également apparues sur la Seine à Rouen ce 27 septembre et l'Etat va affréter un navire pour les récupérer, selon la préfecture. «Nous sommes en train d'armer un navire pour récupérer les galettes avec un chalut tampon fait pour ramasser les hydrocarbures», a ainsi expliqué à l'AFP Benoît Lemaire, le directeur de cabinet du préfet de Normandie, qui estime qu'«il n'y en a pas des tonnes».
Lubrizol étant propriété de Berkshire Hathaway, le conglomérat du milliardaire américain Warren Buffett, certains commentateurs se demandent à ce sujet si le pompage de la Seine est pris en charge par l'entreprise ou s'il sera à la charge des contribuables.
Odeur, nausées, vomissements : rassemblement devant la préfecture
Le préfet de Normandie, Pierre-André Durand, a répété ce 27 septembre que la fumée dégagée par l'incendie ne présentait «pas de toxicité aiguë», alors que nombre d'habitants ou de personnes présentes à Rouen se plaignent d'irritation à la gorge.
L'odeur, la suie, me questionnent beaucoup
«J'attends une communication transparente, parce que quand le préfet nous dit qu'il n'y a pas une toxicité aiguë, heureusement [...] mais l'odeur, la suie, me questionnent beaucoup», confie une habitante de la ville à notre reporter.
Un rassemblement a été organisé dans l'après-midi devant la préfecture. «On a l'impression d'être laissés à l'abandon», confie une autre manifestante. Au niveau national, les Rouennais ont également l'impression que la couverture médiatique du décès de Jacques Chirac a étouffé l'incendie.
Il y a beaucoup de gens qui se plaignent de nausées, de maux de tête, de vomissements
«En plus de l'odeur, il y a beaucoup de gens qui se plaignent de nausées, de maux de tête, de vomissements, le CHU et le Samu ont été très sollicités cette nuit», assure de son côté Valérie Tonchon, l'organisatrice du rassemblement.
France 3 Rouen évacué
Même constat chez nos confrères de France 3 Rouen dont les locaux ont été évacués ce 27 septembre vers 11h15 en raison d'une forte odeur entraînant des vomissements liés à l'incendie de l'usine chimique Lubrizol.
Dans un mail envoyé aux salariés, le directeur de France 3 Normandie, Erik Berg, a demandé à l'ensemble des personnels présents d'évacuer le Hangar 11, quai Ferdinand de Lesseps.
Je demande expressément à tout le personnel de bien vouloir évacuer la station de France 3 Normandie (antenne de Rouen) immédiatement.
N’hésitez pas à consulter un médecin si vous en ressentez le besoin.
L’antenne sera assurée par Caen.
France 3 Rouen emploie 118 personnes, selon la direction. Des équipes de France 3 Rouen demeurent en revanche reportage, selon la même source.
La gauche au diapason
Europe écologie les Verts (EELV), La France insoumise (LFI) et le parti communiste (PCF) ont réclamé la transparence sur l'accident industriel qui a provoqué ce désastreux incendie, critiquant le manque d'informations de la population par les autorités sur les possibles conséquences sanitaires.
Le "Circulez il n'y a rien à voir" des autorités est inacceptable
«Lubrizol est le plus important accident industriel en France depuis AZF [à Toulouse en 2001]. La gestion du drame que vit notre métropole de Rouen est scandaleuse et humiliante», a tweeté David Cormand, secrétaire national d'EELV, originaire de la région et qui y a milité. «Nous voulons des informations précises et régulières. Le "Circulez il n'y a rien à voir" des autorités est inacceptable», a-t-il ajouté.
Le chef de file de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a pour sa part déploré que «pouvoirs publics et médias sont quasi muets», alors que la mort de Jacques Chirac a monopolisé l'attention des médias français. «Un site Seveso ne peut être inoffensif. La population a le droit d'en savoir plus», a-t-il exhorté sur Twitter, en évoquant l'inquiétude des habitants.
«Nous exigeons la totale transparence et la vérité sur les conséquences sanitaires !», a abondé le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, après ce «terrible accident» aux «conséquences écologiques dramatiques pour nos vies pour le climat». Les établissements scolaires restent fermés dans 12 communes de l'agglomération de 500 000 habitants jusqu'au 30 septembre. Il est en outre recommandé aux personnes fragiles de rester à l'abri dans ces villes et est demandé aux agriculteurs de veiller à ce que leurs animaux «ne consomment pas d'aliments souillés».
Déclenché le 26 septembre vers 2h40, l'incendie de l'usine Lubrizol, classée Seveso seuil haut, est éteint, a annoncé le 27 septembre au matin la préfecture. Il reste pourtant des points chauds et une fumée blanche émane encore du site où ont brûlé des carburants et des additifs de lubrifiants.
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