France

Démantèlement d'un réseau franco-bulgare de traite d'êtres humains dans le Beaujolais

Un réseau de travail illégal et de traite d’êtres humains a été démantelé. Trois Bulgares et un Français ont été mis en examen. Ils recrutaient des travailleurs dans le Beaujolais et le Mâconnais et retenaient la plus grande partie de leur salaire.

Après un an d'enquête, un vaste coup de filet a été opéré par le Groupe interministériel de recherches (GIR) de Lyon, et par la gendarmerie, le mardi 17 septembre, concernant un réseau de travail illégal franco-bulgare.

L'enquête, confiée à l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI), qui a mobilisé 80 personnes, dénonce un «travail illégal en bande organisée», une «traite des êtres humains aux fins d’exploitation par le travail en bande organisée» et un  «association de malfaiteurs». Au total, près de 160 ouvriers bulgares ont été touchés par ces contrats fictifs avec un salaire qui ne pouvait être perçu que lors de leur retour en Bulgarie.

Il s'agit d'une enquête réalisée au niveau européen. Au niveau français, une première investigation a été ouverte en février par la Juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS). En juin, les Bulgares ouvrent leur propre enquête. L’unité européenne de coopération judiciaire Eurojust était chargée de coordonner les deux actions.

Les personnes interpellées, 3 Bulgares et 1 Français, auraient également floué les travailleurs illégaux en leur promettant des conditions de travail bien en deçà de la réalité. Selon une source proche de l'enquête, «[les travailleurs bulgares] pauvres et illettrés, signaient des contrats en français qu’ils ne comprenaient pas avec la promesse d’être payées soixante euros par jour […] Les organisateurs du réseau retenaient ensuite la plus grande partie de leurs salaires qu’ils investissaient en immobilier et dans le commerce».

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Un phénomène globalisé

Le phénomène du travail détaché en période saisonnière s'est développé partout en Europe. En mai dernier, 5 travailleurs marocains avaient déjà accusés leurs employeurs français «d'esclavage». Les ouvriers n'auraient pas eu leurs heures supplémentaires payées, ni de primes de précarité, ni de congés payés. La groupe d'intérim espagnol Laboral tierra, qui avait envoyé ces travailleurs en France depuis les îles Canaries, a également été mis en cause.

De même, en juin 2019, un contrôle anti-fraude révèle que les patrons de grandes entreprises viticoles de la Marne et de l'Aube avaient recours à une main d'œuvre peu onéreuse et sans papiers. Ces travailleurs, selon une source proche du dossier, venaient surtout «d'Afrique et d'Afghanistan», qui n'étaient «parfois même pas nourris», et espéraient un salaire «qui n'arrivait jamais».

Le phénomène est encore plus fort en Espagne, ou les besoins en main d'œuvre au moment des récoltes entraînent une arrivée massive de travailleurs illégaux venus d'Amérique du sud, d'Afrique, et d'Europe de l'est. Dans ces régions du monde, le nombre de travailleurs immigrés en situation illégale s'élève à un million de personnes, et se classe comme la quatrième préoccupation des Espagnols. Les conditions de travail y sont terribles comme le confirme, dans le quotidien ibérique El Mundo le 26 novembre, ce travailleur colombien sans papiers : «On [m'a exploité] 57 heures par semaines et j'ai perdu mon pouce.»

A l'échelle mondiale, la tendance est à une augmentation des migrations du travail comme l'illustre l'adoption, le 10 et 11 décembre 2018, du pacte de Marrakech. Le texte baptisé «Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières», prévoit l'amélioration de «la coopération en matière de migration internationale». Il s'agit d'élargir la coopération entre les Etats concernant l'amélioration des conditions de passage pour les migrants. L'ONU, organisateur de ce pacte, a également vu le développement de ces migrations comme un facteur de «prospérité, d’innovation et de développement durable», et a souhaité «optimiser ces effets positifs». Néanmoins, le pacte n'est pas contraignant pour les Etats souverains, qui sont libres d'ordonner leurs politiques migratoires comme ils le souhaitent.

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