Décision inédite au tribunal correctionnel de Lyon: le juge unique a invoqué, le 16 septembre, «l’état de nécessité» et le «motif légitime» pour relaxer deux «décrocheurs» d'un portrait d'Emmanuel Macron en février dernier, poursuivis pour vol en réunion.
La copie du jugement rendu public démontre, en effet, qu'une grande attention a été donnée par le tribunal aux questions scientifiques et climatiques. Dans le document, on peut lire que l’ancienne secrétaire d’État à l’Environnement, Cécile Duflot, avait défendu lors de l'audience début septembre «un acte citoyen au sens le plus noble du terme» et un scientifique du CNRS avait exposé «l’indiscutable urgence climatique».
«Outre l’aspect non-violent et symbolique de l’action, le tribunal a reconnu à la fois l’insuffisance des politiques publiques et la légitimité des actions de décrochage de portrait dans une démocratie en panne», peut-on lire dans le communiqué du mouvement ANV-COP21 qui se félicite de la décision.
«C'est une première et un très très bon signal pour nous», a déclaré à l'AFP une porte-parole du mouvement ANV-COP21 (Action non-violente COP21) qui a salué cette «décision historique» actant «le non-respect des objectifs climatiques de la France et la légitimité des actions de désobéissance civile face à l’urgence climatique».
Un «devoir de vigilance critique»
Le 2 septembre, le parquet avait requis une amende de 500 euros contre les deux militants, un homme et une femme âgés respectivement de 32 et 33 ans, qui avaient décroché le portrait du président de la République dans la mairie du IIe arrondissement de Lyon.
«Le vol est constitué et il ne règle en rien le dérèglement climatique», avait alors estimé le procureur Rozenn Huon.
Dans sa décision, le juge a reconnu que le vol de «l’objet d’une valeur fortement symbolique» était bien matérialisé. Mais, selon lui, la réalité du dérèglement climatique «affecte gravement l’avenir de l’humanité», ce qui légitime «d’autres formes de participation» des citoyens, «dans le cadre d'un devoir de vigilance critique».
Pour lui, l’intrusion d’une vingtaine de militants dans la mairie d’arrondissement a troublé l’ordre public de manière «très modérée». Le magistrat a estimé que l’action des militants a finalement constitué une interpellation légitime du président de la République.
C’est la reconnaissance de plusieurs années de militantisme
«C’est la reconnaissance de plusieurs années de militantisme», a salué la militante à la sortie de la salle d’audience, très émue par cette décision.
Le premier procès de «décrocheurs» s'était tenu fin mai à Bourg-en-Bresse (Ain). Un militant écologiste avait été condamné à une peine d'amende ferme de 250 euros et cinq autres à une amende avec sursis.
Deux semaines plus tard, le tribunal correctionnel de Strasbourg avait relaxé trois militants qui avaient brièvement décroché un portrait du chef de l'Etat dans une mairie du Bas-Rhin.
Douze autres procès de «décrocheurs» sont prévus jusqu'à septembre 2020.
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