France

Bébés sans bras : les familles resteront probablement sans explications

Pour le groupe d’experts étudiant les malformations des nouveaux-nés, il n’y a pas d’excès de cas, sauf peut-être en Bretagne. L'investigation se poursuit et les chances sont selon eux «infimes» d'identifier la cause, à la déception des familles.

Identifier la cause de cas groupés d'enfants nés avec un bras mal formé s'annonce difficile, mais les investigations se poursuivent. C'est ce qu'ont assuré le 12 juillet dernier les autorités sanitaires, après la publication d'un rapport d'experts qui a déçu les familles concernées.

Investigations sur les essais de pesticides près d'une des villes concernées, analyse de l'air et de l'eau dans cette même zone, examen approfondi des articles scientifiques sur le sujet... «Il reste beaucoup à faire», a indiqué à la presse le directeur général de la Santé Jérôme Salomon. «Une feuille de route des actions à mener sera proposée à l'automne», après des «réunions de restitution» pour détailler les conclusions des experts aux familles, a-t-il ajouté. Le directeur général de la Santé a par ailleurs confirmé la création d'un septième registre des malformations congénitales, pour la région Nouvelle-Aquitaine.

«Je comprends que les familles à la recherche d'explications soient déçues», a concédé la présidente du comité d'experts, Alexandra Benachi. «On se donne tous les moyens pour trouver» une éventuelle cause commune aux cas signalés, a assuré cette spécialiste des maladies congénitales rares, tout en expliquant pourquoi la probabilité d'y parvenir était «infime».

Ce groupe d'une vingtaine de scientifiques a été chargé depuis février d'analyser les cas groupés d'enfants (20 au total) nés dans le Morbihan, l'Ain et la Loire-Atlantique avec une «agénésie transverse des membres supérieurs» (ATMS).

Cette malformation très particulière se caractérise par l'absence de formation d'une main, d'un avant-bras ou d'un bras au cours du développement de l'embryon. La fréquence des nouveaux cas est estimée à 1,7 pour 10 000 naissances, soit environ 150 cas par an en France. 

Limites de la médecine

Après réexamen des dossiers médicaux et analyse des malformations du même type recensées aux alentours des zones étudiées, le comité a confirmé l'existence d'un «cluster» (une concentration anormale par rapport au nombre de cas attendus) autour de la petite ville de Guidel (Morbihan), avec trois cas retenus (sur quatre) en 18 mois.

Il a en revanche conclu à «l'absence d'excès de cas» dans la zone rurale de la Dombes (Ain) : seuls six cas sur les treize étudiés ont été retenus dans l'analyse statistique. Les autres ont été écartés soit parce qu'ils n'étaient finalement pas des ATMS soit parce que le registre des malformations de la région Rhône-Alpes ne prenait pas encore en compte l'Ain aux dates concernées (2006-2010).  Ces six cas sont trop étalés dans le temps (entre 2011 et 2015) et dans l'espace, selon le professeur Benachi, chef du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Antoine-Beclère de Clamart. 

Quant aux trois bébés nés à Mouzeil (Loire-Atlantique) en 2007 et 2008, en l'absence d'un registre des malformations dans ce département, il faudra attendre «la fin de l'année» pour achever le recensement de l'ensemble des cas et statuer sur l'existence d'un «excès de cas». Aussi, les scientifiques recommandent de mener des «investigations complémentaires» concentrées autour de Guidel, «pour être efficace et avoir des chances de trouver quelque chose».

Elles porteront notamment sur les pesticides épandus dans le cadre d'essais à l'époque des grossesses des mères concernées et sur les analyses de qualité de l'environnement près du domicile des familles (eau, air, sol). 

Ces mesures laissent sur leur faim les familles, car elles ne constituent pas selon elles l'«enquête de terrain» qu'elles réclamaient : nouveaux prélèvements, examen des saisies de produits phytosanitaires de contrebande, analyses génétiques...

La présidente du comité a par ailleurs expliqué qu'au vu de la rareté de ces malformations et de l'absence de substance suspectée, une enquête épidémiologique prendrait «100 ans» pour obtenir des résultats significatifs.

De même, des analyses génétiques auraient peu de chance d'être concluantes sans connaître au préalable les gènes de susceptibilité à rechercher. «On attendait plus de réponses, des hypothèses plus concrètes, des produits suspectés, mais rien», a regretté Isabelle Taymans-Grassin, mère d'une enfant concernée née dans le Morbihan. Pour cette femme, médecin généraliste, on touche là aux «limites de la médecine en matière de recherche pour des anomalies rares» potentiellement liées à l'environnement.