Depuis quelques semaines, le monde politique français semble en plein changement. Les différentes universités d'été des partis en France ont particulièrement mis en évidence la fébrilité et l'instabilité des principales formations. De quoi envisager une totale refondation des différentes familles qui composent la vie politique française. «Plus qu'une recomposition, il y a une décomposition», note Pascal Perrineau, professeur des Universités à Sciences Po et ancien directeur du Cevipof. Derrière ce terme, un constat : «Il y a aujourd'hui des clivages qui traversent l'opinion publique, et font exploser la cohérence des partis.»
Le PS en guerre interne
Au PS, la cacophonie s'est emparé du parti lors de l'université d'été à La Rochelle. Avec deux courants qui semblent aujourd'hui difficiles à réconcilier. Mais cette division n'est pas neuve. «Le ver est dans le fruit depuis longtemps», note Pascal Perrineau. «On l'avait déjà vu lors du référendum de 2005. La décomposition d'aujourd'hui illustre le clivage apparu lors du référendum de la constitution européenne.»
Emmanuel Macron, ministre d'un gouvernement socialiste, proche de Manuel Valls, a ainsi été hué par les militants après avoir dénoncé la «fausse idée» selon laquelle «la France pourrait aller mieux en travaillant moins». Ou comment remettre en cause des 35 heures auxquelles sont largement attachés les militants socialistes. Manuel Valls a, lui aussi, été sifflé par une partie de son auditoire, preuve que les frondeurs restent très présents au sein du parti. «Un désaccord profond existe au PS, et il s'exprime aujourd'hui sur d'autres terrains que la Constitution européenne : la politique économique, la réforme du code du travail...»
A gauche du PS, on peine à se mettre d'accord
Un temps proches du Parti socialiste, les écologistes aussi, sont plus divisés que jamais. Deux de leurs têtes d'affiche, François de Rugy et Jean-Vincent Placé, viennent de quitter le parti, accusé de vouloir se rapprocher des socialistes quand Cecile Duflot entend migrer vers la gauche de la gauche.
Cette dernière justement, ne va pas beaucoup mieux. Pour Jean-Luc Mélenchon, qui semble avoir fait de François Hollande son principal adversaire, un rapprochement avec le PS semble impossible. «Cette division à gauche n'est pas nouvelle», estime pourtant Pascal Perrineau. «Il n'y a jamais eu d'union sacrée, il y a toujours eu des tensions.» Celles-ci semblent en revanche plus personnelles. Le passé de Jean-Luc Mélenchon, ancien du PS, doit y être pour quelque chose.
Mais Jean-Luc Mélenchon n'en finit pas non plus de se bagarrer avec ses «alliés» du Parti communiste, et n'hésite pas non plus à tacler les écologistes.
Interrogé par RT France, Philippe Noguès, seul député frondeur à avoir quitté le PS constatait d'ailleurs que «faire discuter entre eux socialistes et militants du Front de Gauche, c'est déjà un challenge». Il plaidait d'ailleurs pour une totale «refondation de la gauche». Une option qui ne paraît pas improbable tant les partis semblent divisés. «En cette rentrée, la décomposition est surtout notable à gauche», remarque Pascal Perrineau. «C'est assez symptomatique, car avant un recomposition significative, il faut une décomposition.»
Chez les Républicains, conflits de personnes et de valeurs
A droite, les divisions semblent tout aussi fortes. Du côté des Républicains, la tension est déjà palpable entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Même si cette rivalité semble avant tout personnelle, il y a aussi, «à droite, un conflit qui montre des diversités profondes sur l'enjeu européen, les valeurs. On le voit bien, entre Nathalie Kosciusko-Morizet et Hervé Mariton, les valeurs ne sont pas les mêmes. »
Entre Nicolas Sarkozy et NKM d'ailleurs, le torchon brule. «Il fait n’importe quoi. Ne pas aller au Panthéon, c’était stupide. Prendre un jet privé pour aller au Havre, vu l’état des finances du parti, c’est lamentable. Faire huer ses adversaires quand on aspire au rassemblement, c’est débile», aurait ainsi lancé, selon le Canard enchaîné, la numéro 2 du parti à propos de l'ancien président. «Cette femme est folle, elle est détestée dans le parti», aurait répliqué Sarkozy.
On a pu voir il y a quelques jours, en direct, ce symbole d'un parti divisé. Lydia Guirous, porte-parole de parti a par exemple appelé à l'envoi «de troupes au sol contre Daesh» avant que son homologue Sébastien Huyghe ne la reprenne.
Reste que selon le politologue, la droite républicaine semble moins en danger que la gauche. «Bien sûr on a des différences entre messieurs Sarkozy et Juppé, mais elles restent moins fortes qu'entre Arnaud Montebourg et Manuel Valls. Sarkozy et Bruno Le Maire par exemple, rien ne les oppose profondément.» La fracture est en revanche plus forte avec certains à l'UDI, alliés traditionnel de l'UMP, mais fervents opposants au FN.
Le FN est divisé, mais profite de la cacophonie des autres
L'extrême droite non plus, n'est pas épargnée par les conflits entre courants, même si selon Pascal Perrineau, «l'abstention et le FN», sont les vainqueurs de cette décomposition de la vie politique. «On sent une impatience quant à cette recomposition politique. Et pour le moment, cela prend les visages de l'abstention et du Front national.»
Ce qui n'empêche pas le FN de se diviser, sur le sujet Jean-Marie Le Pen, mais aussi sur ses valeurs. « Il y a aujourd'hui des Fronts nationaux», estime Pascal Perrineau. «Marion Maréchal-Le Pen est plus traditionaliste, alors que Marine Le Pen est plus dans la tradition populiste.» Et l'histoire récente prouve qu'au FN, les conflits familiaux peuvent être dévastateurs.
Quel visage politique demain ?
Malgré tout ces conflits au sein des différentes familles politiques, une recomposition complète n'est pas pour tout de suite, affirme Pascal Perrineau. «La bi-polarisation ressuscite très vite avec les élections. Mais à plus longs termes, des recompositions fortes sont possibles. Une partie modérée du PS est proche de l'UDI ou de modérés de l'UMP. Messieurs Valls, Macron, Juppé ou Bayrou, qui sont tous opposés aujourd'hui sont en réalité très proches.» Comme c'est le cas entre l'aile droite des Républicains et le FN.Un front commun à gauche, entre le PS et le Front de Gauche, peu aussi être envisagé.
Enfin il ne faut pas exclure «des rapprochements forts qui ne seront pas des rapprochements de partis.» Pour Pascal Perrineau, la proposition de Jean-Pierre Chevènement d'un rapprochement entre Nicolas Dupont-Aignan «existe déjà dans les urnes. 2005, c'est ça.»