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Train primeur Rungis-Perpignan : un clap de fin annoncé malgré les promesses du gouvernement ?

Si le gouvernement verdit son discours, il montre peu d'entrain à préserver le fret ferroviaire entre Perpignan et Rungis, malgré les 25 000 camions dans la balance. Interrogé par RT France, un syndicaliste décrit le combat pour le faire survivre.

Communistes, écologistes, insoumis, socialistes, syndicalistes : diverses tendances politiques font bloc autour du collectif «Sauvons le Perpignan Rungis» pour empêcher l'arrêt du fret de primeurs de la ligne Perpignan-Rungis au profit du transport routier. Alors qu'il affirme lutter pour l'environnement, le gouvernement sème le doute quant à ses intentions.

Le problème est principalement lié au vieillissement du train de marchandises. Pour pouvoir bénéficier de nouveaux wagons, la SNCF exigeait que les deux principaux transporteurs de primeurs, les sociétés Roca et Rey, les financent à hauteur de 25 millions d'euros. La dépense est colossale, autant que celle de la location temporaire de wagons neufs à la SNCF. Alors, à l'expiration de leur contrat avec la SNCF en juin, Roca et Rey ont décidé que 25 000 camions remplaceraient le «train des primeurs». Pourtant, la ligne, qui permet d'acheminer 140 000 tonnes de marchandises par an, a été rénovée à hauteur de 20 millions d'euros il y a moins d’une décennie, justement dans le but d'encourager le fret ferroviaire. «Cette situation est ubuesque, c’est une question de bons sens», dénonce Thomas Portes, syndicaliste à la CGT Cheminots et membre du Parti communiste français (PCF), répondant à RT France au nom du collectif «Sauvons le Perpignan Rungis».

Rugy souffle le chaud et le froid

La ligne va-t-elle être fermée ? Le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a déclaré le 7 juin au Sénat qu'elle resterait en service jusqu'à la fin de l'année 2019. Mais sa survie est plus que jamais menacée, le gouvernement ne mettant en place aucun plan visant à éviter le report sur le transport routier.

De son côté, la SNCF a finalement proposé de financer les nouveaux wagons. Contrepartie : il faudra lui permettre d'amortir son investissement d'argent public. «Il faut que le gouvernement déclare cette ligne d’intérêt public et qu'il acte le monopole du fret SNCF sur cette ligne», suggère Thomas Portes.

Allez-vous confier le monopole du fret ferroviaire à fret SNCF ?

Le sénateur PCF Pascal Savoldelli a exposé la situation à François de Rugy en séance parlementaire le 6 juin : «Fret SNCF est prêt à investir 25 millions d’euros pour renouveler la flotte de wagons. Cet investissement devrait durer sur 20 ans, pour qu'il soit rentable, il est nécessaire que la SNCF détienne le monopole sur la ligne. Allez-vous confier le monopole du fret ferroviaire à fret SNCF ?»

«Nous ne voulons plus être dépendants d’un seul opérateur, contrairement à vous c’est une différence que nous assumons pleinement. Nous, nous considérons que plus il y aura d’opérateurs ferroviaires, mieux ce sera pour avoir le meilleur service possible au moindre coût», a rétorqué le ministre de la Transition écologique. «En l’occurrence, pour ce qui est de Rungis, la SNCF s’est engagée à poursuivre le service jusqu’à la fin de l’année aux mêmes conditions et de faire des propositions concrètes pour poursuivre le service les années suivantes», a-t-il ajouté.

Plus il y aura d’opérateurs ferroviaires, mieux ce sera pour avoir le meilleur service possible au moindre coût

Par ailleurs, aucun plan de sauvetage n'a été orchestré puisque dans l'ombre, les transporteurs semblent avoir d'ores et déjà préparé leur report sur le routier. Selon Jean-Claude Zaparty, secrétaire général Union départementale CGT 66interrogé sur Sud radio, les transporteurs Roca et Rey étaient déjà en train de déménager hors de l'enceinte ferroviaire de Perpignan. «L'une d'elles, l'entreprise Rey, par la voix de son responsable, a affirmé qu'elle cessera d'affréter des trains le 15 juillet», a-t-il annoncé. Des faits corroborés par Thomas Portes : «Il y a aujourd’hui une société qui a des marchés pour avoir 1 000 chauffeurs routiers du Portugal et les salariés de la CGT Cheminot sont en train de déménager les bureaux qui récupèrent les marchandises», confirme-t-il. Donc, si la SNCF poursuivra bien le service au-delà du 15 juillet, comme l'a affirmé Elisabeth Borne, la ministre du Transport, rien ne garantit que les wagons ne partiront pas à vide. Un accord entre la SNCF et les transporteurs reste à signer pour poursuivre le contrat ferroviaire.

Les défenseurs du Perpignan-Rungis font de la résistance

Pour sortir de cette crise, le marché d'intérêt national de Rungis a proposé 300 000 euros aux transporteurs Roca et Rey. Objectif ? Louer temporairement de nouveaux wagons de la SNCF durant un à deux ans. Mais de toutes parts, des voix s'élèvent pour exiger des gestes forts de la part du gouvernement. «Je demande à la ministre des Transports de donner l'ordre à la SNCF d'avoir un accord commercial avec ces chargeurs», a plaidé Carole Delga, présidente de la région Occitanie. Ralliant le collectif «Sauvons le Perpignan Rungis», de nombreux politiques ont affiché leur colère sur les réseaux sociaux. François Ruffin, député la France insoumise (LFI), a confié devoir «être à Paris, devant le ministère des Transports, sous les fenêtres de De Rugy, pour réclamer le maintien du train de Rungis».

La députée insoumise Mathilde Panot a accusé la ministre des Transports de mentir quant à la survie de la liaison, puisque les transporteurs s'organisent d'ores et déjà pour affréter des camions.

Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris, PCF, s'est lui aussi indigné de la suppression de la ligne.

De son côté, Debout la France a aussi communiqué son intention de participer au mouvement visant à sauver le train des primeurs.

«On se félicite que cette disparition d’un train de marchandises mobilise autant de gens», réagit Thomas Portes. «Au cours de la prochaine quinzaine, les organisations syndicales vont organiser un grand rassemblement devant le ministère des Transports. Nous avons aussi demandé à la ministre de nous recevoir», conclut-il, misant sur la force de son collectif.

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