France

Notre-Dame : le projet de restauration à l'identique a-t-il du plomb dans l'aile ?

Le caractère intangible de Notre-Dame n'a pas été inscrit dans le projet de loi pour la reconstruction: une aubaine compte tenu du délai de cinq ans promis par Emmanuel Macron. Sur la toile, les projets d'architecture moderne fleurissent.

Dans la nuit du 10 au 11 mai, au terme de débats passionnés, l'Assemblée a adopté en première lecture le projet de loi encadrant la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Mais le texte est loin d'avoir éteint les polémiques concernant la restauration de ce joyau du patrimoine français, dont l'incendie a suscité un émoi considérable dans le pays et dans le monde. 

Au grand dam de l'opposition, le caractère intangible de l'architecture de la cathédrale n'a en effet pas été inscrit dans le projet de loi, ouvrant ainsi grand la porte à des projets de rénovation dans un style beaucoup plus moderne. D'autant plus si l'on considère le délai de cinq ans promis par Emmanuel Macron au lendemain du terrible incendie : «Nous rebâtirons la cathédrale plus belle encore et je veux que ce soit achevé d'ici cinq années.»

Selon pléthore d'experts, ce délai est simplement irréaliste si l'on souhaite reconstruire ce chef-d'œuvre de l'art gothique avec des méthodes traditionnelles. «Si l'on veut reconstruire avec les systèmes traditionnels [...] je pense que ce sera beaucoup plus de cinq ans», expliquait ainsi l'architecte Jean-Michel Wilmotte le 17 avril dernier. En revanche, il devient tout de suite plus envisageable de le tenir en procédant par des méthodes modernes. «Cinq ans, c'est tout a fait tenable si l'on fait le bon choix technologique», soulignait ainsi le même Jean-Michel Wilmotte.

Difficile dès lors de ne pas imaginer que l'idée n'ait pas fait son chemin dans les travées de la majorité, qui a par ailleurs lancé un concours international d'architecture pour reconstruire la flèche de la cathédrale. Le président de la République souhaite lui-même, selon l'Elysée, «qu'une réflexion soit menée et qu'un geste architectural contemporain puisse être envisagé».

Véritables projets ou simple opportunité de publicité gratuite, de très nombreux cabinets d'architectes ont en tout cas sauté sur l'occasion pour soumettre leurs idées de rénovation, plus osées les unes que les autres.

Et l'idée est de plus en plus discutée, que ce soit dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Le cabinet Miysis a par exemple partagé sur Facebook une série d'images qui «présentent une version très personnelle de ce que pourrait être une reconstruction respectueuse de cet édifice». Une publication, sponsorisée entre-temps, qui a donné lieu à des milliers de partages et de commentaires.

Dans la presse, les articles se multiplient, Le Parisien ayant ainsi lancé un sondage pour savoir quels projets ses lecteurs préféraient. 16% des participants ont ainsi voté pour le projet d'une rénovation originale de Notre-Dame, qui consiste à installer un jeu de projecteurs éphémère, pour illuminer le ciel du monument religieux. 15% ont préféré le projet «tout en vitrail» d'un artiste brésilien.

Mais le quotidien précise que son sondage ne prenait pas en compte l'avis de tous «puisque comme nous l’ont fait remarquer nos lecteurs, la question de la reconstruction à l’identique n’était pas soumise au vote.» Or, si l'on se fie aux enquêtes d'opinion, tel que le sondage YouGov réalisé pour le Huffington Post et CNews (entre le 26 et le 29 avril), plus d'un Français sur deux (54%) souhaite une reconstruction fidèle au joyau de l'art gothique. Et seuls 25% souhaitent «un geste architectural», selon la formule employée par le chef de l'Etat. Les 21% restant n'ayant à l'heure actuelle pas d'avis sur la question. Mais peut-être se laisseront-ils convaincre ?

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