Dans son fauteuil roulant, un pied dans une attelle, le pouce bandé et les bras encore marqués par les bleus, Odile Maurin, présidente de Handi-social – une association qui défend les droits des personnes handicapées –, est bien décidée à se battre pour défendre son droit à manifester.
Figure du mouvement des Gilets jaunes toulousains, la militante est convoquée le 16 mai prochain devant le tribunal correctionnel de Toulouse, suite à une altercation qui l'a opposée aux forces de l'ordre, le 30 mars dernier. Plusieurs qualificatifs avaient été retenus à son encontre lors de sa convocation au commissariat, à savoir outrage à agent, entrave volontaire à l'arrivée des secours, ainsi que violence volontaire contre les policiers avec usage d'une arme par destination. L'arme en question n'étant autre que le fauteuil dont Odile Maurin, atteinte d'une maladie génétique, a besoin pour se déplacer.
«Le parquet et la police me cherchent des noises depuis un petit moment parce que nous nous sommes battus contre la loi Elan [évolution du logement, de l’aménagement et du numérique]», attaque la militante, avant de livrer au micro de RT France sa version des événements du 30 mars. «Il y avait une foule qui était totalement pacifique, non violente, des gens qui chantaient, d'autres qui dansaient et qui essayaient de dire à la police : "Laissez-nous passer, nous sommes pacifiques. On veut continuer la manifestation"», explique-t-elle, affirmant avoir tenté de discuter – sans succès – avec le responsable du dispositif policier. «Puis, ils ont déclenché la guerre. La police a lancé l'ordre de nous tirer dessus avec des grenades lacrymogènes, de nous tirer dessus avec le canon à eau», accuse-t-elle, notant le danger que représente l'usage des gaz lacrymogènes contre les personnes handicapées.
«A partir du moment où la police nous a tiré dessus, j'ai décidé de rester devant le canon à eau et d'entraver sa progression», poursuit Odile Maurin, reconnaissant avoir dès lors, refusé de bouger. «Je les ai avertis que déplacer mon fauteuil, c'était prendre le risque de le casser. Et j'ai dit [au policier] qu'il était dangereux de manipuler le joystick. Malgré tout, l'ordre a été donné de me dégager de force. Un des policiers a manipulé le joystick, ce qui a eu pour effet de m'envoyer brutalement et violemment contre le trottoir et j'ai été quasiment éjectée de mon fauteuil».
Les policiers ont alors formé un barrage devant la militante, qui explique n'avoir absolument pas eu l'intention de forcer le passage : «Quand je suis repartie pour essayer de contourner le dispositif, je ne m'étais pas rendu compte que le policier qui était à ma gauche avait attrapé le joystick ou le manipulateur, ce qui a fait changer le fauteuil de direction et l'a fait foncer dans la voiture de police qui était à deux mètres devant moi.»
Au passage, un policier a été renversé par le fauteuil, ce qui constitue la violence contre les policiers avec arme par destination qu'on lui reproche, mais Odile Maurin le martèle : «ce n'est pas moi qui pilotais le fauteuil à ce moment là.»
Multiples fractures du pied, 10 jours d'ITT
«Mon pied a été pris entre mon fauteuil et le véhicule de police, c'est ce qui l'a cassé et m'a fait hurler de douleur», raconte Odile Maurin, dont les cinq fractures du pied avec arrachement osseux, qui lui provoqueront 10 jours d'ITT, seront révélées après un second diagnostic, quelques jours plus tard.
«J'ai hurlé. Ils m'ont laissée en plan. Puis un policier est venu me signifier que j'étais placée en garde en vue, sans me donner de motif. Il a fallu que j'attende plus d'une heure qu'un médecin arrive. Entre temps les "streets medics" étaient venus et m'avaient retiré la botte et mis de la glace, mon pied avait doublé de volume, j'avais très mal», raconte la militante, avant d'expliquer que les policiers n'avaient pu l'emmener en garde à vue, faute de disposer d'un véhicule adéquat, et lui avaient donc signifié qu'elle serait «convoquée».
Pour cette habituée des mouvements sociaux, le niveau de répression qu'elle constate depuis quelques mois est inédit. «Je [n'avais] jamais vu ça dans d'autres manifestations, avant les Gilets jaunes», confie-t-elle, inquiète de la réponse qu'apportent les autorités à la grogne sociale. N'ayant toujours pas reçu ce 14 mai le dossier d'accusation, Odile Maurin a annoncé son intention de demander le report de l'audience. Elle de son côté déposé plainte pour violence.
Pour sa part, comme le rapportait Street press le 24 avril dernier, la préfecture a déclaré ne pas avoir à «commenter la manière dont cette personne rapporte les événements» mais elle l'a tout de même fait, constatant que la version d'Odile Maurin ne correspondait selon elle «en rien à la version des agents de force publique qui étaient présents au moment des faits».
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