Dans son édition du 17 avril, LeCanard enchaîné rallume une polémique qui secoue les hôpitaux parisiens depuis quelques semaines, et qui n'est pas près de s'éteindre. Selon les informations de l'hebdomadaire, l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) a bel et bien donné pour consigne le 16 mars, à l'occasion de l'acte 18 de la mobilisation des Gilets jaunes, d'inscrire l'identité des blessés dans un fichier. Et celui-ci a atterri dans les locaux du ministère de l'Intérieur, place Beauvau.
Le Canard Enchaîné révèle ainsi la teneur d'un e-mail envoyé par «l'administrateur de garde», au siège des hôpitaux parisiens et à tous ces homologues. «Il est indispensable de saisir les identités des victimes en temps réel dans le SI-VIC», est-il écrit en gras et souligné, en référence au fichier en question. Créé en 2015, ce fichier baptisé SI-VIC devait initialement être utilisé pour faciliter l'identification des victimes d'attentats, mais son application a été élargie en 2016, et il peut désormais être utilisé en cas de «situation sanitaire exceptionnelle».
La consigne, on ne peut plus claire, vient contredire de façon criante les propos du directeur de l'AP-HP, Martin Hirsch, qui avait fait son possible pour se montrer rassurant le 14 avril, en niant tout fichage des Gilets jaunes : «On peut faire remonter le nombre de blessés dans le cadre des manifestations, mais on ne transfère rien de nominatif.»
C'est une dérive grave et une menace pour les libertés individuelles
«Activer ce fichier pour des manifestations à caractère social, c'est une dérive grave et une menace pour les libertés individuelles», s'insurge dans les colonnes du Canard Christian Prudhomme, porte-parole des médecins urgentistes. «C'est un scandale ! On n'est pas là pour fliquer et dénoncer des Gilets jaunes», déplore pour sa part le médecin urgentiste Gérald Kierzek, consultant pour LCI.
Le Canard enchaîné rappelle en outre que Médiapart avait révélé, début janvier, que le dispositif SI-VIC avait déjà été activé par la Direction générale des services extérieures (DGSE) pour les manifestations du 8 et 15 décembre. De son côté, l'AP-HP a répondu à l'hebdomadaire satirique que le dispositif «[respectait] le secret médical», et avait fait l'objet d'une «déclaration auprès de la CNIL», en décembre 2017.
Ce n'est pas la première fois que les Gilets jaunes font l'objet d'un fichage par l'exécutif. Dans son édition du 23 janvier, LeCanard enchaîné avait révélé la teneur d'une note secrète transmise par le ministère de l'Intérieur à l'attention des policiers du Service central du renseignement territorial (SCRT). Dans ce document, le SCRT se voyait invité à repérer les «leaders des Gilets jaunes», qui ont «un potentiel pour être les interlocuteurs des pouvoirs publics», et à procéder à un fichage en règle : photo, état civil complet et pseudonymes, adresse, téléphone, véhicule et son immatriculation, antécédents et procédures judiciaires, implication associative, influence et activité sur les réseaux sociaux, implication médiatique, liens avec des éléments ou mouvements radicaux et enfin leurs sources de financement.
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