France

Trois ans de prison ferme pour un homme qui avait prétendu être une victime du 13 novembre

Jean-Luc Batisse s'était fait passer pour une victime de l'attentat djihadiste commis au Bataclan le 13 novembre 2015. Le tribunal correctionnel de Créteil l'a condamné à trois ans de prison ferme malgré ses explications et ses tentatives d'excuses.

«Je demande pardon aux victimes et aux associations» : Jean-Luc Batisse, 29 ans, avait prétendu être une victime des attentats du 13 novembre 2015 pour toucher des indemnisations. Il a été condamné le 12 mars à une peine de trois ans et demi de prison dont six mois avec sursis par le tribunal correctionnel de Créteil qui a assorti la condamnation d'une mise à l'épreuve de deux ans comprenant une obligation de soins, l'indemnisation des parties civiles et a ordonné le maintien en détention du prévenu.

Une décision proche des réquisitions du parquet qui avait demandé trois ans de prison ferme, une amende de 20 000 euros, une obligation de soins, l'indemnisation des parties civiles et son retrait des droits civiques pendant cinq ans.

«J'étais pris dans un engrenage, j'ai fait tout ça sur un coup de tête mais je ne voulais pas en arriver là», s'est justifié le jeune homme, sous l’œil de plusieurs familles de victimes des attentats. «J'étais dans un mal-être général, ma copine venait de me quitter et mes entraîneurs sportifs aussi, je n'allais pas bien.»

Il lui est reproché d'avoir escroqué 77 000 euros au Fonds de garantie des victimes de terrorisme et autres infractions pénales (FGTI) entre janvier 2016 et janvier 2019. Il était inscrit sur la Liste unique des victimes établie par le parquet de Paris, ce qui lui avait ouvert des droits à l'indemnisation.

Vous avez enchaîné les arrêts maladies en vous prévalant de votre statut de victime, vous avez fait des démarches pour obtenir la médaille de reconnaissance aux victimes de terrorisme. Comment ne pas voir un rôle actif de votre part ?

Après les attaques djihadistes qui avaient fait 130 morts et des centaines de blessés le 13 novembre 2015 à Paris, il avait déclaré se trouver avec deux de ses amis dans la salle de concert du Bataclan, l'un des lieux visés par les terroristes. Ce que l'enquête a démenti. Pour faire croire qu'il s'y trouvait, il avait fourni une fausse place de concert des Eagles of Death Metal, le groupe qui se produisait ce soir-là au Bataclan. A son dossier d'indemnisation, il avait également ajouté des photographies de la salle de spectacle, qu'il avait, de son propre aveu, «trouvées sur le dark web». Il avait également tenté de se rapprocher du frère d'une des victimes décédées au Bataclan, allant jusqu'à lui dire qu'ils avaient été amis et qu'ils s'étaient rendus ensemble au concert.

«Comment on passe d'une déception sentimentale à une escroquerie ?», a interrogé la présidente de la cour, très incisive tout au long de l'audience. «J'ai rien demandé moi, ce sont les associations qui ont fait toutes les démarches», a-t-il répondu, provoquant les protestations des avocats des parties civiles et de la salle. «Ce sont les associations qui ont relancé le Fonds de garantie des victimes de terrorisme et autres infractions pénales (FGTI) à 12 reprises pour obtenir une indemnisation ?» a-t-elle enchaîné, sans obtenir de réponse.

«Vous avez enchaîné les arrêts maladies en vous prévalant de votre statut de victime, vous avez fait des démarches pour obtenir la médaille de reconnaissance aux victimes de terrorisme. Comment ne pas voir un rôle actif de votre part ?», a-t-elle énuméré sèchement.

Toujours aucune réponse du trentenaire.

La présidente a poursuivi en lisant le compte-rendu du rapport de l'expert psychiatrique mandaté par la justice: «Il fait état d'un homme tendant à la manipulation» dont les pleurs sont souvent «à caractère factice.»

Là encore, pas de réponse.

Qu'a-t-il fait des 77 000 euros indûment perçus ? «Je m'en suis servi dans mes addictions», a-t-expliqué au tribunal, affirmant souffrir de problèmes d'alcool et de drogue. «Un voyage à Dubaï, un autre à Londres, ce ne serait pas ça vos addictions plutôt ?» a rétorqué immédiatement la présidente. «Vous avez utilisé la douleur, l'argent, l'énergie et le temps des associations pour servir votre intérêt», a asséné quant à elle la procureure, pointant «un homme enfermé dans le mensonge».

«Vous avez devant vous un menteur invétéré, un homme qui souffre de mythomanie et qui doit se soigner», plaidera son avocate, Maître Alice Goury-Alis, soulignant l'enfance difficile, en famille d'accueil, de son client.

L'avocat de l'association Life for Paris, Maître Jean-Marc Delas, a pour sa part dénoncé «la confiance trahie» entre ce dernier et les victimes, soulignant «l'incapacité» de cet homme à «mesurer l'extrême profondeur de ses actes».

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