France

Castaner relance la Police de sécurité du quotidien mais la méthodologie est-elle la bonne ?

Le ministre de l'Intérieur présente l'évolution de la police de sécurité du quotidien aux médias et se félicite de bons chiffres en matière de délinquance. Un ancien gradé de la police interrogé par RT France estime que la méthode n'est pas la bonne.

A l'occasion d'une interview publiée le 7 février dans les colonnes du journal Le Parisien, Christophe Castaner livre «en exclusivité» les grandes lignes de la deuxième phase du déploiement la Police de sécurité du quotidien (PSQ). Après les 15 créations de zones PSQ en 2018, l'actuel ministre de l'Intérieur annonce qu'il a décidé d'ajouter 17 nouveaux quartiers à cette initiative initialement portée par l'ancien patron de Beauvau, Gérard Collomb, qui avait démissionné en octobre 2018 entre l'affaire Benalla et la crise des Gilets jaunes.

Les déclarations de Christophe Castaner sur les Quartiers de reconquête républicaine (QRR) ne sont pas dithyrambiques mais le dossier semble avoir été finement ficelé et les chiffres sont là. Interrogé sur le succès ou l'échec du dispositif, le ministre concède : «Nous avons des statistiques qui montrent [une baisse de la délinquance], mais je n’aurais pas la prétention de dire que c’est lié à la police de sécurité du quotidien. On note une baisse significative des vols qui pourrissent la vie de nos concitoyens : -10 % sur les vols à main armée, -7 % sur les vols sans armes, -6 % pour les cambriolages ou les vols de voitures. À l’inverse, les violences volontaires et les coups et blessures sont en augmentation. Il y a des avancées mais le travail n’est pas fini. Il faut le reconnaître avec humilité.»

Toute cette philosophie de l'action policière est à revoir, les policiers qu'on envoie là-bas iront au carton, on les met en danger

L'humilité est donc affichée par le ministre de l'Intérieur, mais après tout, le dispositif de la PSQ est un dossier hérité de son prédécesseur. Il est par ailleurs intéressant de noter qu'en matière de sécurité intérieure, six ministres se sont succédé à ce maroquin en seulement deux ans, certains ayant laissé une empreinte, comme Bernard Cazeneuve et Gérard Collomb, alors que d'autres n'auront probablement pas marqué les esprits (Bruno Leroux, Matthias Fekl et Edouard Philippe par intérim). Diverses politiques et philosophies policières se suivent, mais se ressemblent-elles ?

C'est l'avis du gradé en retraite de la police nationale, Jean-Pierre Colombies, que sa carrière a notamment amené à diriger des unités en Ile-de-France et à Marseille. Reconverti en tant que porte-parole de l'association UPNI (Union des policiers nationaux indépendants), l'ancien policier s'est souvenu pour RT France des mesures qu'il a vu s'enchaîner alors qu'il travaillait dans les rangs de la police 35 années durant.

On ne fait que s'attaquer au "sentiment d'insécurité", mais les patrouilles en VTT, c'est surtout de l'affichage

Pour lui, la PSQ n'est qu'une nouvelle réminiscence de la police de proximité : «A l'évidence, cette PSQ me rappelle la polprox [police de proximité] ! A l'époque où elle a été mise en place, je commandais un groupe d'atteintes aux personnes, mais intéressé par cette nouveauté, j'ai fait un stage pour mieux la découvrir. J'ai rapidement compris qu'il s'agissait au mieux d'un doux rêve et on retrouve les mêmes éléments dans la PSQ.»

Jean-Pierre Colombies n'est pas particulièrement convaincu par la profession de foi de Christophe Castaner : «Il la vend très mal sa PSQ et ce pour deux raisons : premièrement, c'est un dispositif hérité de Gérard Collomb et deuxièmement, c'est une police de proximité qui ne dit pas son nom. On peut aussi noter qu'il est particulièrement silencieux sur le volet judiciaire dans ses déclarations au Parisien. Pourtant, c'est le nerf de la guerre ! En réalité, on ne fait que s'attaquer au "sentiment d'insécurité" qui est d'ailleurs commenté dans l'article. Mais les patrouilles en VTT, c'est surtout de l'affichage. Pas un seul gouvernement ne s'attelle au vrai problème, celui du budget accordé au domaine judiciaire, qui est systématiquement infinitésimal. Il faut savoir qu'une procédure judiciaire ressemble à une véritable course d'obstacle pour l'enquêteur qui est devenu une sorte de jockey. Il essaie de ne pas tomber, mais il risque constamment la réprimande venue du parquet et de sa hiérarchie.»

La police ne peut pas revenir dans les quartiers comme ça, après des années de cette politique du chiffre. Il faudrait déjà casser le phénomène des bandes.

De plus, selon le policier expérimenté, le ministère de l'Intérieur n'emploie pas la bonne méthode et se fourvoie sur l'ordre des réponses à apporter : «On met la charrue avant les bœufs. Leur dispositif ne pourra être que de l'affichage. La police ne peut pas revenir dans les quartiers comme ça, après des années de cette politique du chiffre qui n'a aucunement entamé le trafic. Il faudrait déjà casser le phénomène des bandes.»

Et de déplorer, à propos de la volonté claironnée dans Le Parisien par Christophe Castaner de mettre «des policiers et des gendarmes sur le terrain plutôt que derrière les bureaux» : «On ne s'est jamais vraiment départi de la politique de Sarkozy et le fossé sera très difficile à combler. Le contrat social est brisé, il n'y a pas de plan de la ville. Il faut une vraie révolution dans les domaines de l'urbanisme, du judiciaire et du social. Dans ces quartiers, ils n'ont pas vu de flics depuis des années. Non seulement toute cette philosophie de l'action policière est à revoir, mais les policiers qu'on envoie là-bas iront au carton, on les met en danger.»

Jean-Pierre Colombies ne prête cependant pas de mauvaises intentions aux deux décideurs de Beauvau : «Je suis convaincu que [Christophe] Castaner et  [Laurent] Nunez [secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur] n'ignorent rien de tout cela au fond... Ils savent bien que "c'est de la pipe !"»

Antoine Boitel

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