La ville de Wavrin, dans le Nord, a fait parler d'elle en France après la décision de son maire de creuser, autour d'un terrain désaffecté de la commune, des tranchées qui empêchent les gens du voyage de s'y installer. «Nous avons pris des dispositions pour empêcher les gens du voyage de revenir trop facilement après leur passage en juin, où ils sont arrivés à 120, ce qui dépasse largement la capacité d'une petite commune comme la nôtre», a expliqué la mairie pour justifier cette décision.
Problème dénoncé par ceux qui contestent ce choix, la ville de Wavrin, comme de nombreuses autres dans l'agglomération lilloise, refuse de se conformer à la loi Besson, qui dit que chaque ville de plus de 5 000 habitants doit être dotée d'une aire d'accueil pour les gens du voyage.
Louis Gouyon de Matignon, jeune homme des beaux quartiers parisiens, s'est fait connaître en France pour la passion qu'il éprouve envers la communauté des gens du voyage. Héros du film documentaire diffusé sur la chaîne de télévision Arte Gadjo – Un prince chez les Manouches, auteur de plusieurs livres sur la culture Manouche (Gens du voyage je vous aime, L'histoire folle du monde forain...), il est considéré aujourd'hui comme le porte-parole des gens du voyage. Président du Parti européen - qui a présenté la liste la plus jeune d'Europe lors des élections européennes de 2014 – il dénonce le manque de considération auquel font face ces «citoyens français de seconde zone».
RT France : Que vous inspire cette décision du maire de Wavrin ?
Louis Gouyon de Matignon (L.G.M.) : Ce n'est malheureusement pas un acte qui m'a surpris, car dans l'histoire et dans l'actualité des gens du voyage, c'est quelque chose que l'on voit tous les ans, surtout dans les régions Nord et Paca. Les gens font tout pour éviter l'installation des gens du voyage, soit en creusant des tranchées, soit en déversant du fumier, comme cela avait été le cas dans l'Essonne. Cela ne me surprend pas, mais cela révèle le problème des aires d'accueil pour les gens du voyage.
RT France : Ce maire est d'ailleurs l'un de ceux qui enfreignent toujours la loi Besson sur l'obligation de construire des aires d'accueil pour les gens du voyage…
L.G.M. : Aujourd'hui, 50% seulement des aires d'accueil, et 30% des aires de grand passage, ont été construites. Très peu de communes se sont conformées à la loi, c'est anormal. Le climat ambiant sur le manque d'argent n'incite pas les communes à engager ces travaux, mais il y a surtout un racisme déguisé à l'égard des gens du voyage et des populations nomades. Aujourd'hui en France, quand on est arabe, noir, handicapé, c'est pareil. On est dans une époque avec des protections sociales fortes, mais il reste une intolérance envers les gens du voyage.
Si l'Europe faisait son travail, il n'y aurait pas de «problème Rom».
RT France : Ces gens du voyage sont pourtant des citoyens français, avec les mêmes droits que tous les citoyens...
Louis Gouyon de Matignon : Ils sont considérés comme des sous-Français... Ce sont des personnes qu'on ne veut pas accueillir sur le territoire pour des raisons politiques, mais aussi économiques car ce sont des gens qui ne créent pas d'entreprises, qui sont mal vus par les citoyens. On a aujourd'hui 350 000 personnes qui sont ostracisées des systèmes politique et juridique car ils ont choisi un mode de vie différent et nomade. Il persiste un fantasme attaché aux nomades et qui porte préjudice à des citoyens français.
RT France : Vous qui avez des contacts avec certains hommes politiques, quelles sont leurs réactions quand vous parlez des gens du voyage ?
Louis Gouyon de Matignon : Les politiques, à un niveau élevé, ne pensent pas aux gens du voyage. Ils sont dans un calcul politique de recherche de pouvoir. Ils me sortent des phrases de politiques, des grands mots... Mais dans les faits, cela ne change rien. Personnellement, ça me choque encore plus de la part des gens de gauche, car ils trahissent leur histoire politique.
RT France : Vous avez créé le Parti européen. Pensez-vous que l'Europe fait assez pour les nomades, et plus généralement pour les Roms ou les migrants ?
Louis Gouyon de Matignon : Absolument pas, et c'est l'un des grands maux de l'Europe. Il n'y a pas de politique europénne sur le plan social. L'Europe, ce n'est que l'euro... L'Europe est pourtant un tremplin fabuleux pour l'intégration des minorités et la reconnaissance de ces cultures minoritaires. Que ce soit les Roms, les gens du voyage, les migrants, toutes les minorités... Ce sont des personnes qui pourraient être mieux intégrées si l'Europe le souhaitait vraiment. Et là, si l'Europe faisait son travail, il n'y aurait pas de «problème Rom».