France

Incendie à la Banque de France : l'artiste russe Piotr Pavlensky dédie son procès au Marquis de Sade

L'audience de Piotr Pavlensky, jugé pour avoir mis le feu à la façade d'une succursale de la Banque de France, à Paris en octobre 2017, a commencé par un discours emporté de l'artiste, invoquant notamment le Marquis de Sade, avant d'être suspendue.

Le procès de l'artiste contestataire russe Piotr Pavlensky, jugé pour avoir incendié la façade d'une succursale de la Banque de France dans la capitale en octobre 2017, a été suspendu ce 10 janvier dans l'après-midi à Paris quelques minutes après avoir démarré dans l'agitation.

Dès son arrivée à la barre, le prévenu est parti dans une logorrhée en russe, tapant dans le micro. L'interprète du tribunal, visiblement contestée par Piotr Pavlensky, a ensuite fait part de l'impossibilité d'accomplir sa mission.

«Ecoutez-moi !», a crié le prévenu au président du tribunal, en français cette fois. «C'est sans doute une nouvelle performance très intéressante. Mais non, je ne vous écoute pas. C'est vous qui m'écoutez», a répondu le magistrat, sans parvenir à mettre un terme aux déclarations de l'artiste. Piotr Pavlensky, crâne rasé et traits émaciés, a notamment évoqué le Marquis de Sade, emprisonné à la Bastille.

«J’ai une déclaration importante à faire : je dédie ce procès au marquis de Sade. C’est lui qui a montré la vraie nature du pouvoir», s’est écrié Piotr Pavlensky en russe dès le début de l’audience. «Il fut persécuté cruellement par les Français eux-mêmes. Il fut mis à la Bastille… et il finit ces jours dans un asile de fous. Monsieur le juge, où est la justice ?», a-t-il demandé en russe.

Le président a expliqué que l'audience, qui se tenait en présence de nombreux journalistes russes, était suspendue en attendant de trouver un nouvel interprète. Elle pourrait reprendre dans l'après-midi.

L'artiste et son ex-compagne Oksana Chaliguina, qui ont obtenu l'asile politique en France en mai 2017, comparaissent pour «destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes». Ils avaient été arrêtés dans la nuit du 15 au 16 octobre 2017 devant une succursale de la Banque de France à Paris, dont ils avaient incendié la façade. Selon des images diffusées sur les réseaux sociaux, Piotr Pavlensky avait mis le feu aux murs de l'établissement, se tenant debout devant la porte d'entrée, en compagnie de son amie. Il entendait dénoncer le fait que «la Banque de France a pris la place de la Bastille, les banquiers ont pris la place des monarques».

Piotr Pavlensky avait ensuite été mis en examen et placé en détention provisoire. En septembre, il avait été libéré et placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter le territoire français dans l'attente du procès.

Aujourd'hui âgé de 34 ans, Piotr Pavlensky affirme encourir une peine de dix ans de camp dans son pays sur la base d'accusations d'agression sexuelle qu'il conteste farouchement, après la plainte d'une actrice de théâtre en décembre 2016.

J’ai une déclaration importante à faire : je dédie ce procès au marquis de Sade. C’est lui qui a montré la vraie nature du pouvoir

Avec sa femme Oksana Chaliguina, Piotr Pavlensky s'est fait connaître en défiant régulièrement les autorités russes. Il s'est notamment rendu célèbre pour avoir arrosé d'essence et incendié les portes du siège de l'ex-KGB à Moscou et pour s'être cloué la peau des testicules sur les pavés de la place Rouge.

En juin 2016, Piotr Pavlensky, qui se revendique de «l'art politique» avait fait sept mois de détention avant d'être condamné à une amende pour avoir «endommagé» la Loubianka, siège historique des services de sécurité russes. En 2012, il s'était cousu les lèvres en soutien aux Pussy Riot, un groupe de punk rock composé de jeunes femmes, dont plusieurs membres ont été condamnés à deux ans de camp pour avoir «profané» la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou en exécutant une «prière punk», demandant à la Vierge Marie de libérer la Russie de Vladimir Poutine.

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