Pour Marine Le Pen, l'exclusion de son père, Jean-Marie Le Pen, commence à ressembler à un vilain menhir dans la chaussure. Après que la justice a suspendu la consultation par correspondance qui devait acter de la suppression du statut de président d'honneur du mouvement et annulé la suspension de son adhésion, le parti d'extrême droite se heurte à une vague de départ de ses militants et élus.
Julien Clos, conseiller municipal du Cannet-Rocheville, ancienne tête de liste du FN, a ainsi découpé sa carte de membre du parti, la semaine dernière, en soutien à Jean-Marie Le Pen. «Je n'ai pas supporté ce déballage public entre Jean-Marie Le Pen et sa fille», explique l'élu. «Je ne m'attendais pas à ça de la part de ce parti qui se place en défenseur de la famille, de certaines valeurs, d'une autre vision de la politique.»
Autre élu Front national, à Ballancourt dans l'Essonne, Franck Sailleau n'était, lui, pas forcément contre l'exclusion de Jean-Marie Le Pen. Mais face à son «profond désaccord», avec les méthodes employées par le FN pour exclure Jean-Marie Le Pen, lui aussi a quitté le parti. «Je souhaitais effectivement que Jean-Marie Le Pen calme le jeu, et je n'ai jamais adhéré à ses positions antisémites. Il fallait faire quelque chose, mais pas de cette manière.»
Franck Sailleau déplore par exemple que le référendum sur l'exclusion du Menhir ait comporté 29 autres questions. «Il n'y a aucune concertation démocratique», au FN dénonce ce transfuge du PS dont le FN avait médiatisé le ralliement. «Comme hasard, mes copains au parti qui sont en faveur de Jean-Marie Le Pen n'ont pas reçu de bulletin de vote... »
Les deux élus contactés par RT ne sont pas les seuls à avoir quitté le parti de Marine Le Pen depuis sa brouille avec son père. Le Canard enchaîné de ce mercredi évoque par exemple les départ d'Eric Pinzelli élu à Manosque, ou de Maxence Buttey à Noisy-le-Grand... «Et je ne serai pas surpris qu'il y ait d'autres départs», prévient Franck Sailleau. «Dans ma Fédération, je peux assurer que j'ai reçu beaucoup de messages de sympathie...»
Et cette guerre intestine entre Le Pen père et fille n'est pas encore terminée. Le 20 août, Jean-Marie Le Pen est convoqué, et pourrait être exclu. Et la fuite des militants pourrait continuer. «20% des militants ne souhaitent pas que JMLP s'en aille», affirme Franck Sailleau. «Je ne suis pas d'accord avec eux, mais si on ne les prend pas en compte, comment convaincre les électeurs de notre volonté de changement.»
Depuis le prise de pouvoir de Marine Le Pen, le parti frontiste a déjà été confronté à une fuite des militants historiques qui estiment, à l'image de Julien Clos, que «le parti a changé. Avant, on était des frères, des camarades, désormais nous sommes des ouvriers, forcément, nous n'avons plus le même rapport avec la hiérarchie. Je pensais que le FN était différent, finalement, c'est bonnet blanc, blanc bonnet», assène aussi Julien Clos. «L'UMPS que Marine a longtemps dénoncé, elle est en train d'y mettre le FN.»
Interrogé au sujet de ces départs du FN il y a quelques jours sur France Info, Florian Philippot, vice président du parti a affirmé, durement : «Ce sont des gens dont j'apprends l'existence quand ils partent».