De tels concours ont lieu «très régulièrement. La CGT n'y est pas favorable puisque la reconnaissance du travail, c'est le salaire, et que celui-ci est gelé depuis plusieurs années» à la SNCF, explique à l'AFP Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots.
«C'est une dérive», critique également Florent Monteilhet, secrétaire fédéral de l'Unsa-ferrovaire.
« Ces challenges ont toujours un peu existé mais actuellement, ça se généralise. Ce qui était une exception est devenu une manière de faire» et c'est dû aux «objectifs irréalistes fixés par la direction aux managers de proximité», décrypte Erik Meyer, porte-parole de SUD-Rail.
Relayée ces derniers jours sur les réseaux sociaux, l'affiche d'un challenge pour contrôleurs promet ainsi «une invitation» pour deux, d'environ 100 euros, «au restaurant pour tout agent» ayant atteint les objectifs fixés.
Un autre «concours Top Lafeur» (de LAF, lutte anti-fraude) offre jusqu'à 250 euros en chèques cadeaux aux meilleurs chasseurs de fraudeurs de la gare d'Asnières (Hauts-de-Seine).
«Nos managers sont encouragés à innover, à s'adapter et à faire preuve d'autonomie», explique la direction. Car «c'est au plus proche du terrain, du quotidien des agents, que beaucoup de choses se jouent», justifie-t-elle. Et «quelques maladresses sans conséquences ne sauraient remettre en question un tel mouvement».
Une «salle détente» à Asnières «accessible au mérite» sur décision de «l'équipe managériale», comme le précise une affiche diffusée sur Twitter, a toutefois ligué contre elle direction et syndicats.
«Il y a des limites à l'indécence, la qualité de vie au travail n'est pas un gadget», s'est indignée la CFDT-Cheminots.
Cette salle de repos «est bien entendu un cas particulier qui ne peut être cautionné par la SNCF», une idée «malheureuse», admet la direction, qui a «rapidement demandé» le «retrait de ce dispositif local et contestable».
Mais ce qui inquiète vraiment les syndicats, ce sont les concours visant à réduire le nombre d'accidents du travail (AT).
Comme ce «challenge-AT» du technicentre (service de maintenance des trains) de Paris Rive Gauche. En jeu : des pizzas récompensant 200 jours sans AT, ou des chèques cadeaux de 30 euros par agent d'une équipe n'ayant pas connu d'accident pendant un an.
Il y a aussi «un challenge-AT au technicentre de Gerland, à Lyon. Ça s'est généralisé», note Erik Meyer.
Ce sont «les pires challenges» parce qu'«ils sont une incitation perverse à cacher les faits», cela conduit «les agents à ne plus déclarer leurs AT», explique Laurent Brun.
La direction «sait qu'elle est en tort» mais elle «revient inlassablement à la charge», ajoute le responsable CGT. Ce sujet a été évoqué récemment en comité central d'entreprise et devant le comité national d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du groupe, selon les syndicats.
L'Unsa-ferroviaire juge également «inadmissible cette méthode de gestion des AT». Dans les technicentres, il s'agit de métiers «très industriels, à haut risque» et «il y a des manières plus innovantes de gérer et stimuler la sécurité, comme la formation», relève Florent Monteilhet.
«On en arrive à des accidents du travail cachés» car «c'est toute l'équipe qui reçoit la récompense. Celui qui se sera fait mal culpabilise. On lui dit : "C'est bon, dans deux jours on atteint le challenge..."», raconte Erik Meyer. Et «le niveau des salaires est tellement bas...» La direction assure de son côté que «la vigilance en matière de sécurité au travail» est «un sujet important» pour l'entreprise.