Le site «Démocratie participative» continuera-t-il à pouvoir être consulté en France ? Le procureur de la République de Paris a en effet assigné en référé les opérateurs télécoms pour qu'ils bloquent ce site publiant des contenus haineux à caractère raciste, antisémite et homophobe : une démarche inédite dans l'Hexagone.
Neuf opérateurs, dont les quatre principaux (SFR, Orange, Free et Bouygues Telecom), sont assignés le 8 novembre à 14h au tribunal de grande instance de Paris dans le cadre de cette procédure d'urgence. Le procureur demande ainsi au juge des référés de constater le trouble manifestement illicite, causé selon lui par le site, et d'ordonner aux fournisseurs d'accès internet d'en bloquer l'accès dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la date d'expiration de ce délai.
C'est la première fois que le parquet de Paris demande le blocage d'un site par cette voie procédurale. Cette démarche devant le juge civil intervient alors qu'«aucune poursuite pénale n'a été rendue possible» pour l'heure dans ce dossier, selon une source proche du dossier citée par l'AFP.
De nombreuses plaintes et signalements dénonçant les propos violents publiés par ce site ont été adressés depuis juin 2017 au parquet de Paris, émanant de particuliers, d'associations de lutte contre le racisme, ainsi que de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). Saisie d'une enquête, la Brigade de répression de la délinquance des personnes de la police judiciaire parisienne n'a toutefois pas été en mesure jusqu'à présent d'identifier le directeur de la publication ni l'hébergeur du site, celui-ci ne contenant aucune mention légale. Le nom de domaine est pour sa part enregistré aux Etats-Unis, où la liberté d'expression est protégée par le premier amendement.
L'administrateur du site vivrait au Japon
Selon Le Monde, la Dilcrah a obtenu en janvier dernier la disparition de la page d’accueil de «Democratie participative» du moteur de recherche Google. Selon la même source, une note conjointe de la Direction générale de la police nationale et de la préfecture de police datant d’avril explique que son administrateur est un militant d’origine bretonne : Boris Le Lay.
Déjà condamné en France, il ferait l'objet de 13 mandats de recherche (exécutables en France et en Europe) émis pour «injures publiques envers un particulier en raison de sa race, religion, ou origine par parole, écrit, image, ou moyen de communication au public par voie électronique», ainsi que d'une fiche «S». Preuve de son importance aux yeux de la justice française, Interpol, selon Le Monde, a émis en janvier une «notice rouge» afin que Boris Le Lay puisse être interpellé à l’étranger. Or, l'homme vivrait au Japon, un pays qui n'a pas signé de convention d’extradition avec la France. D'autant plus que, selon le quotidien, le Japon ne pourrait pas, en raison de son droit national, procéder à une arrestation demandée par d’autres pays membres d'Interpol. Les services de police français s’inquiètent même du fait que Boris Le Lay ait pu obtenir la nationalité japonaise.
Fin août, le parquet de Grenoble avait ouvert une information judiciaire après la publication quelques jours plus tôt sur «Démocratie participative» de propos antisémites visant Denis Dreyfus, l'avocat de la famille d'Adrien Perez, un jeune homme tué à la sortie d'une discothèque près de Grenoble. En mars dernier, le fils de Carla Bruni et de Raphaël Enthoven avait été l'objet d'insultes à caractère antisémite émanant de «Démocratie participative». Récemment, la journaliste Eugénie Bastié a également été dans le viseur du site, après avoir été déclaré qu'il méritait d'être bloqué.