Le diplôme «Religions, laïcité et inclusion sociale» de l'université de Lorraine sera-t-il reconduit pour l'année 2018/2019 ? Rien n'est moins sûr après les révélations parues dans la presse le 26 septembre.
En 2015, quelques jours après l'attentat islamiste qui a frappé la rédaction de Charlie Hebdo, Manuel Valls, alors Premier ministre avait annoncé qu'il voulait voir les imams formés au principe de laïcité à la française. Une formation avait donc été lancée, mais il semble à présent que les intervenants recrutés pour ce faire n'ont peut-être pas été choisis au mieux. L'un d'entre eux a en tout cas été exclu du cursus : Christopher Pollmann.
Ce professeur agrégé de droit public a été pris en flagrant délit d'anti-laïcité militante alors qu'il était précisément censé dispenser un cours... sur le droit de la laïcité, destiné à des aumôniers de l'armée, des prisons et des hôpitaux. Parmi ses élèves, un tiers d'imams. Ce diplôme d'université (DU) intitulé «Religions, laïcité et inclusion sociale» était en outre subventionné par le ministère de l'Intérieur.
Selon les informations de Marianne et du Figaro, le professeur fustigeait dans son cours le droit français et s'était déjà illustré par le passé pour avoir exposé des thèses «complotistes» à propos des attentats du 11 septembre 2001.
Pendant toute l'année 2017/2018, ce dernier a ainsi pu enseigner son aversion pour la loi d'interdiction des signes religieux à l'école publique et déverser ses thèses sur la loi 2004 participant selon lui à instaurer une «islamophobie d'Etat», selon Marianne qui s'est procuré le plan de cours.
Concernant l'interdiction du voile, le professeur zélé se montre particulièrement virulent. Le Figaro s'est procuré une partie des cours : «S'il s'agissait vraiment de sortir les filles voilées de leur soumission, la puissance publique devrait protéger d'autres catégories de la population féminine à l'égard de soumissions aux effets infiniment plus graves», écrit-il, avant de prendre pour exemple «l'idéal de minceur» ou les «chaussures à talons aiguilles, affectant l'ossature du corps».
Selon le professeur de droit public, «l'exclusion du foulard islamique de l'école publique» est la «pièce maîtresse d'une prophétie autoréalisatrice» et «l'opprobre officiel jeté sur [ces] filles» est une «incitation à des discriminations afférentes». A ce titre, il évoque également «le fantasme d'une soumission» et invite les personnes de culture musulmane à une «affirmation religieuse [...] comme démarche d'émancipation.»
A en croire Christopher Pollmann, la laïcité aurait été détournée de son objectif initial et servirait dorénavant «une nouvelle légitimité pour le racisme et le ressentiment anti-arabe.»
La sénatrice du Parti radical de gauche, Françoise Laborde, avait été alertée au sujet de ce cours à la tonalité singulière dès le mois de février 2018, elle avait contacté le ministère de l'Intérieur. Interrogée par Le Figaro, elle avertit également : «Il faut s'intéresser de plus près à ces diplômes. Certains imams y viennent simplement pour "pointer" et s'acheter une légitimité».
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Suite à la publication de cet article, Christopher Pollmann a contacté RT France afin de faire valoir son droit de réponse.
Droit de réponse de Christopher Pollmann
L’article en ligne de Russia today France du 27 septembre 2018 sur mon cours de
droit de la laïcité à l’Université de Lorraine contient quatre affirmations erronées,
partiellement calomnieuses.
1) Contrairement à ce qu’écrit l’article, je ne suis nullement « un anti-laïque » et
n’ai pas professé « d’anti-laïcité militante ». Bien au contraire, je cherche à promouvoir
la laïcité qui me semble une condition centrale du vivre-ensemble paisible et fructueux.
Mais c’est la laïcité selon la loi du 9 décembre 1905 que je défends, à savoir la liberté de
conscience et de culte (article 1er), puis l’obligation de neutralité religieuse de la
puissance publique (art. 2). Cette dernière injonction ne vise jamais le citoyen et donc
pas non plus l’élève. En étendant l’exigence de neutralité religieuse aux élèves, c’est la
loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l’école qui enfreint le principe de laïcité,
ce dernier étant de rang constitutionnel et donc supérieur à la loi de 2004.
Je mets d’ailleurs d’autant moins en cause la laïcité que j’explique et valorise ses
nombreux autres volets non concernés par cette loi.
2) Contrairement à ce qu’affirme l’article, je n’ai jamais parlé d’ « islamophobie
d’État ». Concernant le terme d’islamophobie tout court (forgé en 1910 par Alain
Quellien, docteur en droit), j’ai dû l’évoquer par moment faute de mieux, la notion de
« racisme anti-musulman » étant un peu compliquée. Néanmoins, il me semble
problématique de réduire en une répulsion individuelle une quête collective de bouc
émissaire (à laquelle mes réminiscences allemandes de la persécution des juifs me
rendent sensible).
3) De ce qui précède découle le constat que je ne prononçais aucun « réquisitoire
contre la loi française » ni ne « fustigeai[s] dans [m]on cours le droit français », comme
le prétend l’article. Puisque l’arsenal juridique d’un pays n’est jamais homogène ou
monolithique, il est normal et nécessaire d’étudier les conflits entre les règles de droit
pour y mettre de l’ordre... Je n’ai fait que défendre la cohérence du droit français en
rappelant la supériorité du principe de laïcité consacré en 1905 sur la loi de 2004.
4) Le cours expliquait aussi l’ « affirmation religieuse et notamment musulmane
comme démarche d’émancipation ou de protection », mais sans y « invite[r] les
personnes de culture musulmane » comme l’écrit l’article. Le passage cité de mon cours
n’avance ni un postulat, ni un souhait, mais un simple constat : J’ai observé l’évolution
de la société française et remarqué que les enfants et petits-enfants des immigrés
s’affirment davantage, y compris sur le plan religieux.
Cette démarche émancipatrice concerne plus particulièrement le voile par rapport
auquel on remarque des effets paradoxaux. Alors qu’en 1905, les conflits relatifs à la
religion étaient largement collectifs, les enjeux se sont depuis individualisés : la querelle
sur le voile oblige chacune des femmes musulmanes à se responsabiliser en prenant
personnellement position pour ou contre son port du voile. L’ironie de l’histoire, c’est
qu’en interdisant le voile à l’école, on en a donc fait la promotion partout ailleurs… et
ainsi poussé les musulmanes à s’affirmer ! Cette évolution, je ne l’approuve pas, ni la
désapprouve, je la constate.