Par un décret du 20 septembre et à quelques jours de la Journée nationale d'hommage qui leur est consacrée, Emmanuel Macron a promu une vingtaine d'anciens combattants harkis et de représentants d'associations de harkis dans les ordres de la Légion d'honneur. Une promotion qui s'inscrit dans le travail de mémoire sur la guerre d'Algérie voulu par le président français, comme en témoigne la récente reconnaissance de la responsabilité de l'Etat dans la disparation du mathématicien communiste, militant de l'indépendance de l’Algérie, Maurice Audin.
Pour Boaza Gazmi, président du Comité national de liaison des harkis (CNLH), cette distinction est loin d'être suffisante et, qui plus est, arrive tardivement. «Aujourd'hui les harkis sont en fin de vie. Il aurait fallu leur donner la Légion d'honneur quand ils avaient fini la guerre» déplore-t-il dans une interview accordée à France Info.
Réparation financière
Surtout, Boaza Gazmi explique que les harkis attendent «une vraie reconnaissance et une vraie réparation» de la part des autorités. «Les décorations, ce n'est pas ce qui va enlever la souffrance des harkis. [...] Nous méritons plus qu'une Légion d'honneur. Nous méritons les pardons de la Nation.» Et dans cette optique, il souhaite qu'Emmanuel Macron mette en place une loi-cadre : «Le terrain lui a été labouré, il ne lui reste plus qu'à semer. S'il veut marquer la page de l'histoire de la nation française, il faut qu'il reconnaisse et qu'il répare. Mais une vraie réparation, financière.»
En juillet dernier, un groupe de travail lancé à l'initiative du chef de l'État avait préconisé de créer un «fonds de réparation et de solidarité» de 40 millions d'euros pour les harkis et leurs enfants. Pourtant ce montant demeure très loin des attentes des associations. A tel point que le ton monte : début septembre, la communauté harkie avait déjà appelé le chef de l'Etat à lui accorder des réparations à la hauteur du préjudice subi à la fin de la guerre d'Algérie. Elle en avait profité pour lui rappeler le soutien qu'elle lui avait apporté en 2017, et avait menacé de porter plainte contre la France pour crimes contre l'humanité. Une menace reprise par le CNLH, qui s'était dit prêt à plaider sa cause devant les tribunaux internationaux s'il n'obtenait pas satisfaction auprès de l'État.
C'est dans ce contexte, quelques jours plus tard seulement, qu'Emmanuel Macron avait demandé pardon à la veuve de Maurice Audin, reconnaissant que le militant communiste avait été victime «du système institué en Algérie par la France». Une démarche qui n'a pas convaincu Boaza Gazmi : «On reconnaît une personne et on laisse des centaines de milliers de personnes de côté. Je ne comprends pas.» «Les politiques doivent avoir le courage de reconnaître parce que, s'ils reconnaissent, ils seront obligés de réparer», conclut-il.
A la fin de la guerre d'Algérie (1954-1962), quelque 60 000 des Algériens recrutés comme auxiliaires de l'armée française avaient été admis en France après les accords de paix. Les autres – entre 55 000 et 75 000 selon les historiens – avaient été abandonnés et victimes de sanglantes représailles de la part des nationalistes qui les considéraient comme des traîtres.