Avec des affirmations à valider ou non telles que «L’islam est une menace pour l’Occident», le sondage effectué en ligne auprès des adhérents du parti présidentiel, La République en marche (LREM) suscite la polémique.
Les enfants d'immigrés nés en France sont des Français comme les autres
Préparée par le think tank Terra Nova, l'enquête a, entre autres, pour but de sonder le positionnement à l'égard de l'immigration des adhérents de LREM. Ceux-ci doivent ainsi se positionner selon une échelle de six degrés, allant de «tout à fait d'accord» à «tout à fait en désaccord». Parmi les affirmations soumises à l'appréciation des sondés acceptant de se livrer à l'exercice, on note : «Il faut préserver les traditions», ou encore : «Les enfants d'immigrés nés en France sont des Français comme les autres».
Une manière de débusquer d'éventuels sympathisants de feu le Front national, rebaptisé Rassemblement national (RN) ? Ou plutôt de tester la disposition des marcheurs à porter les idées du think tank ?
Certaines questions du sondage ont en tout cas suscité de vives réactions, notamment sur les réseaux sociaux. «En juin 2018, en France, un parti politique interroge via un think tank ses militants avec des questions comme celles-ci», s'est ainsi indigné le sénateur socialiste Rachid Temal.
La vice-présidente socialiste du Sénat, Marie-Noëlle Lienemann, a dénoncé pour sa part des «thèses d'extrême droite».
Alors que plusieurs internautes attribuaient la paternité du sondage au parti présidentiel, Terra Nova s'est défendu sur son site, en assumant la pleine responsabilité. «Une convention de recherche a été établie [...] entre le think tank et le mouvement. Elle stipule l'autonomie scientifique du think tank dans la conduite de cette enquête. La réalisation du questionnaire est en conséquence de la responsabilité de Terra Nova», est-il précisé.
«Contrairement à ce qui a pu être écrit, ces questions n'orientent nullement les réponses des enquêtés», précise Terra Nova, évoquant des formulations «très classiques» et des thèmes variés tels que le monde de l'entreprise, l'écologie ou l'immigration.
Et de préciser : «Certaines affirmations sont ouvertement conservatrices et d'autres ouvertement progressistes.»
Terra Nova, proche du Parti socialiste, puis de LREM
Organe d'influence se présentant comme «progressiste» (par opposition aux «réactionnaires») Terra Nova est depuis sa création en 2008 resté proche du Parti socialiste (PS). En 2011, dans la perspective de l'élection présidentielle de l'année suivante, c'est ce même think tank qui conseillait au PS de délaisser comme cœur de cible la classe ouvrière pour consacrer sa propagande électorale à un nouveau public : les «minorités» telles que les jeunes, les immigrés ou encore les femmes, comme le rapportait alors le magazine Marianne. La victoire de François Hollande vaut à Terra Nova d'exercer son influence jusqu'au sommet de l'Etat. Entre 2012 et 2014, Christophe Bejach, cofondateur avec Olivier Ferrand de ce «laboratoire d'idées» est ainsi conseiller auprès du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg.
Mais le think tank, dont le conseil d'administration comprend l'ancien secrétaire d'Etat et éphémère ministre de l'Intérieur Matthias Fekl, a depuis changé de cheval, cherchant à promouvoir ses analyses auprès de LREM, accès au pouvoir oblige.
Bien qu'indépendant sur le papier, Terra Nova entretient toutefois des liens avec le parti présidentiel et, au premier chef, avec le président de la République Emmanuel Macron. Le Monde rapporte ainsi qu'un certain Henry Hermand, décédé en novembre 2016, membre fondateur de la Fondation Saint-Simon et administrateur de Terra Nova a mis le pied à l'étrier de l'actuel président de la République dans les années 2000. Le quotidien du soir n'hésite pas dans sa nécrologie à qualifier Henry Hermand de «généreux mécène de la gauche progressiste» et de «mentor d'Emmanuel Macron». «Henry Hermand fait partie des nombreux parrains du ministre de l'Economie [Emmanuel Macron]; il y a aussi Jacques Attali, Alain Minc, Jean-Pierre Jouyet», précisait Les Echos en janvier 2016.
Contactée par Le Monde, la direction de LREM explique avoir «accueilli positivement la demande de Terra Nova de faire une étude sociologique», une opportunité selon le parti de mieux connaître «le regard et les avis [des] adhérents». LREM se distance pourtant de la méthodologie du think tank : «Les questions sur les préférences et opinions politiques ont été rédigées uniquement par les chercheurs de Terra Nova.» L'organisation devrait en tirer une publication «scientifique» fin 2018.
A.K.
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