Les salariés de l'hôpital psychiatrique du Rouvray, près de Rouen (Seine-Maritime) tentent sans succès depuis le 22 mars, malgré plusieurs grèves de la faim, d'obtenir des moyens humains et matériels dans un établissement en cruel sous-effectifs et en sur-occupation. Ils ont finalement été reçus par l'Agence régionale de santé de Rouen (ARS) le 7 juin au matin, après avoir commencé à camper devant le bâtiment et procédé à des blocages de circulation.
Dans la matinée, ils avaient débuté leur action en bloquant le boulevard industriel et le pont Mathilde, à Rouen. Rejoints par des cheminots, ils y ont brûlé des cageots et des pneus.
Cette action coup de poing a fait suite à une discussion de l'intersyndicale de l'hôpital avec Christine Gardel, la directrice générale de l’ARS, le 6 juin au soir. La réunion a rapidement tourné court, la demande de 52 postes exigés par les protestataires n'étant pas satisfaite en totalité. La directrice avait proposé 1,5 million d’euros pour les créations de poste et 200 000 euros pour la rénovation des locaux.
Sur les grilles de l'hôpital, on peut lire en larges lettres sur des banderoles : «Suroccupation, ça suffit». Autour d'un piquet de grève, des banderoles venaient illustrer le grave malaise d'une profession : «Mon HP va craquer», «Face à l’indifférence, ici on crève !».
Les salariés ont fait graduellement monter la pression depuis les débuts du mouvement de mobilisation. Sept d'entre eux se sont mis en grève de la faim à partir du 21 mai. Certains ont perdu plus de dix kilos en moins de quinze jours et tous ont du être hospitalisés.
Ils protestent contre leurs conditions de travail et l'impossibilité d'assurer correctement les soins aux patients. Jeunes adolescents parqués dans l'unité pour adultes avec jusqu'à deux autres patients majeurs, alors qu'ils ont besoin de soins spécifiques, malades placés en urgence dans des pièces avec un simple matelas et un seau, faute de chambres disponibles, taux d'occupation de 115%... Les soignants expriment beaucoup de doléances sur l'accueil des patients et leurs conditions de travail, se plaignant de souffrir de burn-outs.
L'ARS s'est engagée la semaine du 28 mai à apporter «un soutien financier pour organiser la prise en charge des détenus», évoquant des prisonniers souffrants de pathologies mentales, ainsi qu'un «accompagnement de l’établissement pour améliorer les conditions d’hospitalisation à temps complet des adolescents», sachant qu'une unité dédiée sera ouverte en 2020.
Des mesures insuffisantes selon les grévistes, dont la fureur a redoublé à l'occasion des déclarations de la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Face aux demande des postes d'infirmiers des grévistes, elle a opposé que «la difficulté, dans cet établissement, [était] le recrutement des psychiatres», alors que les protestataires souhaitaient davantage de postes d'infirmiers.
Les grévistes ont reçu la visite de Benoît Hamon, candidat socialiste malheureux de la dernière présidientielle et fondateur de Génération.s, ainsi que le soutien d'une partie de la classe politique de gauche, à l'instar de François Ruffin, député de La France insoumise (LFI).
La fronde des grévistes de l'hôpital ne vient que confirmer la situation d'une psychiatrie en déshérence en France, en manque de lits et de personnel. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), chargée d'expertiser les établissements psychiatriques dénonce chaque année des abus flagrants, des violations de la dignité et des droits des patients. Le contrôleur note chaque année le sous-effectif des soignants et constate dans certains hôpitaux le recours injustifié aux méthodes de contention des patients, et des mesures de placements à l'isolement arbitraires et abusives.