A l'heure où le projet de loi Elan sur le logement (Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique) est débattu à l'Assemblée nationale, les associations de défense des personnes handicapées et le Défenseur des droits, Jacques Toubon, dénoncent le traitement réservé aux personnes en situation de handicap.
Une mesure adoptée dans l'hémicycle le 1er juin prévoit la diminution du quota de nouveaux logements accessibles aux handicapés de 100% à 10%. Jacques Toubon évoque une «grave régression sociale» et «une atteinte aux droits des handicapés».
En déplacement à Toulouse le 11 septembre 2017, Emmanuel Macron annonçait vouloir abaisser les normes sur le handicap afin de favoriser la construction, estimant que la France souffrait d'un «système bloqué par la sur-réglementation», et ajoutant : «On me dira que je ne respecte pas l'environnement, ou parfois le handicap, parfois ceci ou cela. Mais il faut du pragmatisme.»
Un nouveau glissement sémantique
Juin 2018, nouveau glissement sémantique au gouvernement : l'«accessibilité» a été remplacée par l'«adaptabilité». Alors qu'il défendait le projet de loi porté par le gouvernement, le secrétaire d'Etat à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, l'a formulé dans le vocable technique de rigueur : «Les logements seront évolutifs, c'est-à-dire adaptables grâce à des travaux simples.»
La loi sur le logement de 2005 impose quant à elle que 100% des nouveaux logements soient accessibles à tous.
Les grands gagnants de la loi Elan sont-ils les promoteurs immobiliers ?
Les défenseurs des droits des personnes handicapées y voient donc une forme de double peine : d'une part, les bailleurs seraient susceptibles de ne pas privilégier les personnes en situation de handicap à cause des travaux qui devraient être réalisés pour les accueillir.
D'autre part, selon les calculs de l'administrateur de l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteur (ANPHIM) cité par Marianne, la loi Elan se traduirait par la livraison de seulement 2 300 nouveaux appartements HLM accessibles aux handicapés par an.
La société française étant plutôt vieillissante, on peine à imaginer une issue favorable pour les millions de Français qui ne bénéficieront pas d'un ascenseur à l'avenir. Qui plus est, la notion d'«adaptabilité» reste floue et laisse à penser que cet abaissement des normes favorisera en priorité les promoteurs immobiliers.
Le gouvernement promet d'éclaircir la notion de logement évolutif
La polémique n'a pas échappé au gouvernement : confrontée au tollé qu'a suscité le projet de loi, la secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées, Sophie Cluzel a déclaré le 4 juin sur RTL que la notion de logement «évolutif» serait prochainement «précisée par décret». Et a ajouté : «Nous sommes autour de la table avec les associations pour enlever le flou. Qu'est ce que ça veut dire un appartement évolutif ? Tout simplement que des travaux pourront être faits très facilement, à moindre coût, pour le moduler, et pas à la charge des personnes pour tout ce qui ressort des logements sociaux.»
Restera à voir si les associations seront convaincues par l'explication du gouvernement.