France

Bercy livre à Google les données personnelles des contribuables français

En France, le site des impôts contraint cette année les contribuables à visionner une vidéo tutorielle sur YouTube, qui explique le prélèvement à la source. Ce faisant, il offre à Google l'aspiration des données personnelles de millions de Français.

Surprise pour les internautes français désireux de déclarer en ligne leurs revenus 2017 afin de calculer leurs impôts 2018 : le site ouvert par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) fait apparaître un tutoriel de deux minutes sur YouTube, afin d'expliquer le principe du prélèvement à la source. Or, grâce à ce dispositif, Google (auquel appartient YouTube) se voit offrir sans garde-fous certaines informations personnelles de millions de contribuables.

L’intention est louable pour le service des impôts : ne plus prêter le flanc aux critiques arguant que les contribuables sont perdus quant à la question du prélèvement à la source. L’objectif est atteint pour la DGFiP, puisque le visionnage à marche forcée a permis de d'ores et déjà cumuler 4,5 millions de vues au 17 avril. 

Mais cette vidéo a de quoi ulcérer les utilisateurs : il est impossible d'accéder aux paramètres de confidentialité pour se protéger avant de la visionner. En souhaitant se reconnecter au site une seconde fois, si l’on change de navigateur, ou si l’on vide son cache de données de navigation stockées sur l’ordinateur avant de se reconnecter, la vidéo redémarre automatiquement. Avec ses mouchards publicitaires, la plateforme YouTube est donc susceptible d’aspirer les informations des contribuables, sans que l'on ne puisse s'en défendre.

Le géant américain peut donc connaître les sites fréquentés avant et après la connexion au site des impôts, et connaître les achats effectués sur des sites marchands, comme le note Le Point. Il peut apprendre les mots clés recherchés sur Google avant la connexion – tels que «Comment déclarer des revenus locatifs ?» ou «Dois-je déclarer un don des parents ?»... Si la vidéo est visionnée depuis un compte YouTube, c’est la bonne pioche pour Google, qui va pouvoir associer au contribuable les données de navigation avec les mails, date de naissance, réseaux sociaux, localisation et autres informations à disposition en cas de possession d'un profil YouTube ou d'une adresse courriel Gmail.

Pourtant, malgré le scandale de siphonnage de données d'utilisateurs de Facebook par la société Cambridge Analytica, d'aucuns penseront que la DGFiP aurait pu mieux protéger le contribuable. Elle aurait par exemple pu héberger la vidéo sur une interface maison. Ou encore avoir recours au système PeerTube, qui permet à tout un chacun de devenir son instance de diffusion, mais en édictant ses propres règles, sans recueillir de données des internautes. Le site français de vidéos Dailymotion aurait également pu être l’hébergeur, et éviter ainsi que les données des Français ne fuitent chez le géant de la Silicon Valley. Enfin, même en utilisant la plateforme YouTube, un minimum de confidentialité aurait pu être obtenu si le site de la DGFiP avait activé le mode «Confidentialité avancée» de YouTube.

Nombre d'internautes ont très vite pris conscience des conséquences du visionnage et s’en sont largement plaints. Ils regrettent que leurs données personnelles soient ainsi confiées à l’étranger.

 

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