Les députés marcheurs règlent leurs pas sur ceux du gouvernement. C'est en quelque sorte la consigne, à peine voilée, formulée par le président du groupe des députés de La République en marche (LREM), Richard Ferrand à ses collègues, lors d'une réunion interne le 10 avril. En effet, le projet de loi «asile et immigration» doit être examiné à partir du 16 avril à l'Assemblée nationale et certains députés LREM se sont montrés peu enthousiastes, souhaitant proposer des amendements à la loi lors du débat parlementaire.
Si certains préfèrent devenir auto-entrepreneurs, c'est le statut de non-inscrit
Lors des débats en commission la semaine dernière, les députés LREM en avaient déjà proposé près de 200. Une action qui n'est pas du tout du goût de Richard Ferrand, qui a rappelé ses collègues à l'ordre.
Richard Ferrand prêt «à casser des œufs s'il le faut» au sein des marcheurs
«Liberté dans le débat, mais unité dans le vote. Le groupe est aussi une démocratie qui vit par la majorité... Quand on n'a pas réussi à convaincre en réunion de groupe, on n'a pas réussi», a-t-il lancé, en appelant les contestataires à se rallier à la position du groupe.
«Si certains préfèrent devenir auto-entrepreneurs, c'est le statut de non-inscrit [à un groupe à l'Assemblée]», a-t-il menacé, se disant prêt «à casser des œufs s'il le faut». Contactée par Mediapart, la députée LREM Martine Wonner – absente lors de la réunion – assure que des collègues lui ont raconté la scène «les larmes aux yeux».
De toute ma vie professionnelle, je n’ai jamais été maltraitée comme ça
La parlementaire est d'ailleurs remontée contre le despotisme au sein de LREM : «Ces pressions [de Richard Ferrrand] sont inimaginables. Ce n’est pas l’ADN d’En Marche!, ce n’est pas pour ça qu’on s’est mis à faire de la politique. On est suffisamment légitimes pour savoir ce qu’on doit faire, on ne va pas se sentir coupables d’avoir un avis un peu différent, c’est parfaitement normal dans un groupe de 300 députés ! De toute ma vie professionnelle, je n’ai jamais été maltraitée comme ça.»
Une vingtaine de députés LREM contestant la logique du texte du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, avaient déposé en commission de nombreux amendements qu'ils n'ont pas réussi à faire adopter. Parmi eux, Jean-Michel Clément a annoncé à l'AFP qu'il comptait bien en déposer de nouveau certains en séance et, à la fin, voter contre un texte dont il «rejette depuis le départ la logique répressive».
Néanmoins, cette position n'est pas partagée par l'ensemble des élus LREM, loin de là. «Richard Ferrand a rappelé qu'à partir du moment où on a eu des dizaines d'heures de réunion pour faire émerger une position de groupe, il faut se rallier à cette position», a fait savoir à l'AFP la présidente de la Commission des lois, Yaël Braun-Pivet. «Sinon, ce n'est pas démocratique, et tout ce travail en interne n'a plus lieu d'être», a-t-elle jugé. Parmi les grandes lignes du futur projet de loi, adoptées en Commission des lois :
- La rétention administrative est portée à un maximum de 90 jours (et non plus 135 jours, comme le voulait le gouvernement).
- Actuellement, un migrant qui entre en France, a 120 jours devant lui pour s’enregistrer comme demandeur d’asile. Avec la loi, les délais sont rétrécis à 90 jours.
- Les demandeurs déboutés convoqués par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) pourront être entendus, à leur propre audience, en visioconférence, sans qu’ils puissent s’y opposer.
- Aujourd'hui, un étranger qui se voit refuser la protection de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) dispose d’un mois pour déposer son recours devant la (CNDA). La loi présentée par Gérard Collomb veut diviser ce délai par deux.
- Les députés n'ont pas interdit la rétention des famille et des mineurs, ce qui fait des remous jusque dans la majorité.
- Les pays persécutant les homosexuels ne pourront plus être considérés comme d'origine sûre.
- Les demandeurs d'asile pourront se voir affecter une région de résidence.
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