Le partenariat, conclu le 15 mars, commence à faire polémique. Le ministre français de l'Intérieur Gérard Collomb, également ministre des Cultes, s'était alors entretenu avec le ministre algérien des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, à l'issue de quoi les deux responsables politiques s'étaient accordés sur la venue en France de 100 imams algériens, pour le ramadan, qui débutera le 15 mai.
Selon l'agence de presse algérienne APS, ces imams ont été sélectionnés pour la «maîtrise des règles de la psalmodie» et pour leurs aptitudes à diffuser un discours religieux «modéré et éclairé», à l'occasion du mois sacré musulman. Contacté par APS, Mohamed Aïssa a appelé ces imams à être des «ambassadeurs de la paix».
Mohamed Aïssa a également fait savoir qu'à la demande de la partie française des «caravanes culturelles» sillonneraient différentes communes de France avec pour programme des conférences sur «la démarche algérienne mettant en avant l'islam modéré et du juste milieu». Accueillis il y a quelques jours à la Grande mosquée de Paris, ces imams, triés sur le volet, doivent également diriger des prières durant le ramadan.
Pour le ministre algérien des Affaires religieuses, interrogé par le média en ligne Tout sur l'Algérie (TSA) le 29 mars, la France se tournerait ainsi «vers l’expérience algérienne, qui forme de bons imams». Toujours pour TSA, Gérard Collomb déclarait, mi-mars, qu'il fallait «que l'islam redevienne cette figure de proue de la civilisation et que ce qui se fait en Algérie en la matière [était] extrêmement intéressant».
Cette image d'un islam algérien particulièrement «modéré», l'essayiste et spécialiste en géopolitique Alexandre Del Valle, interviewé par Atlantico le 27 mars, semble la partager : «Un des pôles les plus modérés de l’islam de France est depuis longtemps l’islam algérien de la Grande Mosquée de Paris», dit-il.
«On nous casse les oreilles avec l'islam de France et on fait venir des imams d'Algérie !»
Néanmoins, cette venue en France d'imams algériens n'est pas sans faire grincer des dents dans l'Hexagone. D'autant plus que la fondation de l'Islam de France, lancée en 2016 pour encadrer le culte musulman, semble montrer ses limites. «On nous casse les oreilles avec l'islam de France et on fait venir des imams d'Algérie !», s'indigne ainsi l'ancienne secrétaire d'Etat à la Jeunesse et à la Vie associative sous Nicolas Sarkozy, Jeannette Bougrab, dans Le Figaro, le 28 mars. «Comme le rappelle Boualem Sansal, "l’islamisme radical est toujours là [en Algérie], enraciné dans la population, ancré dans les institutions, se renouvelant constamment, s’adaptant aux conditions récentes, se répandant de nouveau et tissant des liens profitables avec l’internationale islamiste"», s'inquiète-t-elle également.
«Il est vrai, et on le constate, que ce n’est pas parce qu’un islam est français qu’il est modéré. Il y a des salafistes», fait toutefois remarquer Alexandre Del Valle. «On n’a pas de formation susceptible d’assurer la présence d’un clergé compétent et opérationnel en France, parce que peu a été fait dans la matière», poursuit-il. Les 100 imams algériens viennent-ils donc combler un manque de compétence du clergé islamique de France ?
Manuel Valls monte au créneau
Jeannette Bougrab n'est toutefois pas la seule, en France, à voir d'un mauvais œil la venue d'imams algériens pour le mois de ramadan.
«Ces accords existent avec l’Algérie comme avec le Maroc. Je pense qu’il faut, le plus vite possible, y mettre un terme, parce que ça ne correspond pas à l’idée qu’on doit se faire d’un islam des Lumières en France, d’un islam de France», a ainsi fustigé le député apparenté La République en marche (LREM), Manuel Valls, au micro de France Info le 27 mars.
Les accords avec l’Algérie comme avec le Maroc. Je pense qu’il faut, le plus vite possible, y mettre un terme
Néanmoins, la déclaration de l'ex-Premier ministre a fait bondir la présidente de la région Ile-de-France (Les Républicains) Valérie Pécresse : «Il y a un grand paradoxe dans le discours de Manuel Valls parce que quand j’étais ministre de l’Enseignement supérieur sous Nicolas Sarkozy, nous avions mis en place la formation des imams à l’université [...] pour justement que ces imams deviennent des imams de France qui soient pétris et imprégnés à la fois de nos réalités et de notre droit.» Or, explique la présidente de région, les socialistes auraient «bloqué» le gouvernement de droite sur la formation des imams en France. «Et, ensuite, Manuel Valls a été ministre de l’Intérieur puis Premier ministre et il n’a rien fait !», ajoute-t-elle, pour France Info, le 29 mars. Pour autant, Valérie Pécresse juge que la France, actuellement, «n’est pas en mesure d’organiser le ramadan dans des conditions satisfaisantes avec des imams français».
Au Front national (FN), l'arrivée des 100 imams algériens fait également réagir. L'eurodéputée Dominique Bilde, par exemple, s'insurge : «L’Algérie enverra en France une centaine d’imams "aptes à prêcher un islam modéré" pour le ramadan 2018. C'est une blague ?! Alors que nous sommes en guerre contre l'islamisme, et qu'en Algérie des prêtres catholiques sont agressés !»
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