Durant toute la nuit et encore ce matin, des centaines d'agriculteurs se sont placés à la frontière avec l'Allemagne et ont bloqué les camions en provenance de l'étranger. Ils entendent ainsi dénoncer une concurrence qui ne serait pas saine avec les autres pays européens et demandent des mesures d'urgence. Thomas Gillig, président des Jeunes agriculteurs a répondu aux questions de RT France.
RT France : Alors que la situation semblait se calmer durant le week-end, vous avez mené, à la frontière, une action d'envergure durant la nuit et ce lundi...
Thomas Gillig : Oui, et cette action est là pour dire que tout n'a pas été réglé pour le moment. Et très sincèrement, je pense que les mouvements vont continuer dans les prochains jours. Les annonces qui ont été faites ne sont pas satisfaisantes pour nous. On ne s'y retrouve pas sur certains points comme la distorsion de concurrence, la compétitivité, les marges au producteur... Certes, le gouvernement a présenté un plan d'aide de 600 millions, cela peut paraître énorme, mais il y a déjà 500 millions de report... Avec ce plan, on ne fait que repousser les problèmes.
RT France : Votre action de la nuit, à la frontière avec l'Allemagne, entendait aussi dénoncer la concurrence avec nos voisin européens ?
Thomas Gillig : Que ce soit clair : nous sommes pour l'Europe, pour la liberté des échanges. Mais on veut aussi avoir une chance d'être compétitifs par rapport à nos voisins. Ce que nous demandons, c'est juste d'être sur un pied d'égalité avec les autres agriculteurs en Europe. Sans cela, nous n'avons aucune chance d'être compétitifs. Par exemple, dans l'agriculture biologique, les Allemands ont beaucoup moins de contraintes que nous. Ils ont plus de souplesse, peuvent utiliser plus de produits. Forcément, ils sont plus productifs... Alors qu'ils sont juste de l'autre côté de la frontière, et viennent vendre leur produits en France...
RT France : Vous avez donc le sentiment que cette concurrence avec les agriculteurs européens n'est pas juste ?
Thomas Gillig : Ce matin par exemple, nous avons trouvé du persil sans étiquette, en provenance d'Allemagne, dans des cagettes Prince de Bretagne... Ce n'est pas juste. Ce sont des exemples que nous voyons tous les jours. La Vache qui rit ou les produits du groupe Bel viennent de Slovaquie et vont être transformés à Paris, c'est quelque chose que nous avons du mal à comprendre... Nous sommes conscients que l'agriculture française exporte aussi beaucoup en Europe, et nous sommes favorables à ce commerce, mais on veut que cela soit juste.
RT France : Selon vous, les agriculteurs allemands ou des pays de l'Est de l'Europe ont des avantages que vous n'avez pas ?
Thomas Gillig : Tout à fait. Et ce que l'on demande au niveau agricole ce sont les moyens d'être compétitifs et c'est aujourd'hui impossible avec les contraintes et les normes imposées qui sont trop différentes. On veut marcher sur un pied d'égalité pour que derrière le producteur s'y retrouve. C'est pareil pour la main-d'oeuvre qui est beaucoup plus chère en France. Or si nous ne sommes pas compétitifs par rapport aux agriculteurs européens, l'agriculture française est perdue.
RT France : Plusieurs organisations, et le gouvernement, appellent à l'apaisement. On sent pourtant que les agriculteurs restent très remontés ?
Thomas Gillig : C'est certain, on ressent une grande colère, et surtout une grande détermination. On va continuer nos actions jusqu'à ce que nous ayons des réponses concrètes. Ce que l'on demande n'est pas compliqué : on veut juste une chance de faire notre métier, de renouveler les générations... On demande donc des mesures concrètes et durables, car si on continue à ce rythme, demain, il n'y aura plus d'agriculteurs en France, et on va tout importer de l'étranger... Or l'agriculture fait partie de la France.