France

Trop conformistes ? Le jury de l'ENA déplore que les candidats pensent «l'UE comme un ordre établi»

Uniformité des avis, incapacité à émettre une réflexion originale, frilosité à s'attaquer aux sujets sensibles : le jury du concours de l'ENA dresse un constat très critique du profil des candidats dans son rapport 2017.

C'est une critique que l'on a davantage l'habitude d'entendre chez les détracteurs de l'Ecole nationale d'administration (ENA) et ses diplômés plutôt qu'auprès des jurés du concours d'entrée. Pourtant, dans son rapport sur le concours de 2017, le jury présidé par le préfet Michèle Kirry n'épargne pas les candidats qui sont décrits comme formatés et adeptes de la pensée unique.

Concernant l'épreuve de droit, le jury s'interroge sur l'utilisation massive de plans stéréotypés et «regrette cette forme d'unanimité», signe d'une «unicité de vues» entre les candidats. Tant et si bien que le jury s'en trouve réduit à «traquer l'originalité comme une denrée rare». Pour les jurés, cette uniformité s'explique par une préparation au concours très uniforme de la part des aspirants énarques, qui s'appuient sur les mêmes fiches et préfèrent les restituer, «au détriment de la réflexion». Ce qui témoignerait d'une certaine «frilosité» des candidats, qui n’osent pas proposer une vision personnelle du sujet.

Cette uniformité autant que cette frilosité se retrouvent dans les questions contemporaines du concours. Le jury s'étonne ainsi de ne retrouver aucune référence au mariage pour tous et aux manifestations d'ampleur qui ont occupé les rues au moment du vote de la loi. «C’est comme si le candidat imaginait la copie idéale comme un texte éthéré, où n'apparaîtraient surtout pas les sujets délicats», regrettent les correcteurs, qui estiment que «cette autocensure aboutit à des copies très uniformes où le point de vue personnel apparaît rarement».

Un reproche que l'on retrouve sur la question du CICE (le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, accordé aux entreprises sous François Hollande, que les candidats ont rechigné à critiquer en dépit de son efficacité pour le moins discutable. «Il est tout à fait possible de penser et d'écrire [...] que le bilan du CICE est très en deçà des ambitions d'origine ou même que l'accorder à toutes les entreprises sans s'assurer de son utilisation a été une erreur», se voit contraint d'expliquer le jury.

Cette autocensure aboutit à des copies très uniformes

Sans surprise, cette «prudence excessive» apparaît également dans les questions relatives à l’Union européenne. Déplorant l'incapacité des candidats à prendre de la hauteur face aux questions impliquant une réflexion personnelle, le jury constate que ces dernier «donnent le sentiment de présenter l’Union européenne comme un ordre établi qui ne pourrait être différent».

Autant de critiques qui poussent Michèle Kirry à demander aux futurs candidats de faire preuve de «courage» et d'assumer «une analyse personnelle» loin des «raisonnements formatés».

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